Les tracteurs rentrent finalement à la ferme. Le Premier ministre Gabriel Attal a su trouver les bons mots et présenter les bonnes mesures pour calmer la grogne agricole. Seulement, les problèmes de fond restent bien présents et devront se régler à Bruxelles. Au centre des attentions, ce qui constitue notre agriculture commune à l’échelle européenne, la PAC. Aurélien Bernier est spécialiste en politique environnementale, il nous explique comment fonctionne cette politique publique, qui, selon certains observateurs, doit être réformée dès le prochain mandat européen.
Aurélien Bernier est auteur, journaliste et spécialiste des politiques environnementales. Il a notamment écrit les ouvrages : “Le climat otage de la finance”, “Comment la mondialisation a tué l'écologie” ou encore “La gauche radicale et ses tabous”.
Aurélien Bernier : C’est une politique qui vise à réguler la production agricole. Elle a été prévue dès 1957 lorsque les six États membres à l'origine ont négocié le Traité de Rome. Il prévoyait un marché unique des produits agricoles. Au départ, c’est une politique communautaire de régulation des échanges agricoles et des politiques agricoles nationales. La PAC avait pour objectif d’augmenter la production pour redevenir autonome. Il y avait en réalité déjà des objectifs politiques, invisibles des textes. La France avait concédé un marché commun pour les produits industriels qui bénéficiait plutôt à l’Allemagne. L’idée française était de rééquilibrer la balance et de pouvoir gagner en exportant dans les autres États membres des produits agricoles.
AB : Ça a beaucoup évolué dans le temps et les modalités changent en permanence. Pendant une trentaine d’années, jusqu’en 1992, il y avait des aides qui étaient proportionnelles à la production. Elles visaient à maintenir un niveau de prix suffisant. À partir de 1992, on a réformé. Pourquoi ? Car on négociait à l’étranger des accords de libre-échange. Les pays du sud, mais aussi les Etats-Unis, les grands pays producteurs de produits alimentaires, considéraient que l’Europe faisait du protectionnisme. Ils disaient “Ces aides directes et des aides à l’exportation faussaient la concurrence”. On a donc réformé ce système plusieurs fois. On est passé à un système de versements qui dépend des surfaces. Plus vous avez de surfaces, plus vous recevez d’aides de l’Union européenne. C’est un mécanisme qui pousse au productivisme et à la concentration.
AB : Je crois que si aujourd’hui il y a une telle crise, ou en tout cas, qu’il y a des revendications aussi visibles au niveau européen, c’est parce que l'agriculture européenne a joué le jeu de la concurrence internationale. Ils ont supprimé les mesures dites “protectionnistes” qui existaient à une époque. Nous sommes en train de perdre à ce jeu-là. Il y a des pays qui sont plus productifs, où les coûts de production sont beaucoup plus bas. Aujourd’hui, “on” importe de plus en plus. “On”, c’est l’industrie alimentaire, c’est la grande distribution. Donc ceux qui, à une époque, étaient plutôt gagnants à ce système s'inquiètent pour l’avenir, car ils gagnent de moins en moins.
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