Parmi tous les hommages rendus à l'emblématique maire de Lyon après sa mort, beaucoup soulignent sa volonté de rassembler les différentes communautés. À l'occasion des funérailles de Gérard Collomb, qui auront lieu mercredi 29 novembre à 11h à la cathédrale Saint-Jean, nous revenons sur l'héritage de dialogue interreligieux qu'il laisse aux Lyonnais avec deux témoins : Bernard Berthod, historien et conservateur du musée de Fourvière, et Kamel Kabtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon.
Selon Bernard Berthod, historien et conservateur du musée de Fourvière, sous Gérard Collomb (2001-2020) « les administrés de sa ville ne sont pas des numéros, et il veut une cohésion sociale à ce niveau-là ».
Amoureux des lettres - il est agrégé -, de culture et de patrimoine, il a tout de suite exprimé son intérêt pour les représentants religieux de sa ville, alors même qu’il avait choisi une autre spiritualité. Franc-maçon, « il avait rejoint le Grand Orient de France dès 1989 », précise Bernard Berthod : « Gérard Collomb est un homme de culture, qui réfléchit, pour qui le monde religieux existe et a une importance, même s'il a fait d'autres choix ».
L'ancien maire de Lyon n'a cessé de porter attention aux événements importants pour ses administrés chrétiens. L'édile « fréquente l'église ukrainienne à certaines occasions, va au Grand temple, quai Augagneur. Il présente aussi un intérêt pour le patrimoine religieux et sa sauvegarde ».
« Gérard Collomb a toujours été philo-catholique », rajoute l’historien. En décidant de remettre lui-même l'écu à l'archevêque de Lyon lors du Vœu des Échevins chaque 8 septembre, ou encore de se rendre au Vatican : « Quand Mgr Philippe Barbarin [archevêque de Lyon] est nommé cardinal, Gérard Collomb va à Rome pour représenter les Lyonnais, pas du tout par piété, mais pour représenter la ville, car un archevêque qui devient cardinal, il savait que c'était important et il tenait à ce que la ville soit présente ».
Bernard Berthod retient un élu ouvert à l'échange : « il prônait un dialogue, forcément, en toute amitié, car on ne peut pas rester chacun sur son trottoir ». Une ouverture, quelles que soient les convictions ou les traditions : « la sensibilité religieuse des personnes qu'il a en face ne l'empêche pas de discuter, au contraire. Et discuter, pas seulement discourir ! ».
Gérard Collomb défendait ainsi une « laïcité de libertés ». Fidèle à l'esprit de la loi d'Aristide Briand, selon Bernard Berthod, il ne prônait pas une religion plutôt qu’une autre, mais la liberté de croire : « La religion a le droit de s'exprimer et la République n'est pas là pour la réprimer, au contraire ».
« J'ai rencontré Gérard Collomb pour la première fois en 1981, il venait d'être nommé député et on avait le projet de mosquée. Notre architecte était dans le 5e arrondissement, où Collomb avait sa permanence. C'est tout un chemin que nous avons parcouru ensemble depuis lors », se rappelle Kamel Kabtane. « Quand il était candidat à la mairie en 2001, il est passé me voir et il m'a expliqué quelle était sa vision de Lyon demain : nous avons parlé de l'Institut Français de Civilisation Musulmane, et il m'a dit "Nous le ferons ensemble, Kamel", et tout ceci était prémonitoire de ce que serait l'avenir ». En effet, l'IFCM a finalement été inauguré juste à côté de la Grande mosquée en septembre 2019.
En 2002, lors de l'incendie de la synagogue de la Duchère, Kamel Kabtane se souvient qu'il demande alors à Gérard Collomb « de prendre une initiative citoyenne pour se retrouver ». Ainsi est né le groupe « Concorde et Solidarité », qui regroupe le maire et les 9 représentants religieux lyonnais, dont Kamel Kabtane. « Dans cet espace de dialogue, de rencontres et d'échanges, nous avions l'impression d'avoir quelqu'un qui voulait faire en sorte que les différents responsables religieux se parlent, avec le maire, et puissent prendre des initiatives » évoque le recteur de la Grande mosquée.
On se retrouvait au moins une fois par an pour un repas avec tous les responsables religieux pour parler de ce qui se passait dans nos communautés et on avait l'impression d'avoir quelqu'un qui participait à la vie citoyenne de Lyon. Son souci était de faire que toutes les communautés soient proches l'une de l'autre.
« Je n'ai jamais eu l'impression que c'était simplement une obligation qu'il avait à remplir », affirme le responsable religieux à propos de Gérard Collomb : « il avait le sentiment qu'en se retrouvant tous ensemble, on pouvait construire une ville solidaire, fraternelle, une ville qui puisse s'écouter et faire en sorte que les gens puissent se parler. C'était ça l'important ».
L'ancien maire de Lyon laisse aussi le souvenir d'une vraie présence auprès des croyants : « Pendant 20 ans, il n'a pas raté une année les repas du Ramadan. Il a toujours été là. Il était chez les Juifs pour Yom Kippour, chez les catholiques pour le Vœu des Échevins, chez les protestants pour le Culte de la Cité ». Le recteur de la Grande mosquée déplore la disparition de ce maire rassembleur : « pour les musulmans, il va nous manquer. Même s'il n'était plus au pouvoir, j'avais l'impression que c'était un frère qui s'identifiait à tous ses concitoyens quelles que soient leurs croyances ».
Lyon est veuve de celui qui l'a tant aimée. Il a été celui qui lui a donné une vision futuriste. Lyon pourra reconnaître qu'elle a eu un maire de grande qualité.
Ce que Kamel Kabtane garde de Gérard Collomb ? « C'est cette vision d'un homme futur, fraternel, tolérant et ouvert sur toute la société lyonnaise avec la volonté d'unir et de rassembler ». Finalement, « un grand homme, et il faut que Lyon s'en souvienne et puisse le marquer dans la pierre ».
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