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JO de Pékin 2022 : un tournant dans l'histoire des Jeux ?

Un article rédigé par Baptiste Madinier - RCF, le 4 février 2022 - Modifié le 4 février 2022

Les polémiques ne manquent pas autour des Jeux olympiques d’hiver de Pékin. Le Comité international olympique (CIO) est dans une position intenable et les athlètes tentent de ne pas politiser leur venue. Ces Jeux vont-ils marquer un tournant dans l'histoire de l'olympisme ? 

Stade National de Pékin, en Chine où s'est déroulée la cérémonie d'ouverture des JO 2022. ©UnsplashStade National de Pékin, en Chine où s'est déroulée la cérémonie d'ouverture des JO 2022. ©Unsplash

JO de Pékin, l'envers du décor

Loin du rêve affiché au départ, les Jeux olympiques d’hiver de Pékin (du 4 au 20 février), font plutôt figure de rendez-vous maudit. Entre stratégie "zéro Covid", boycottage diplomatique et coût écologique, rarement on aura aussi peu parlé de sport à l’approche du plus grand rendez-vous sportif de la planète pour les sports d’hiver. 

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Des Jeux pas comme les autres

C’est une cérémonie d’ouverture sans représentation officielle du Canada, du Royaume-Uni, des États-Unis ou encore de l’Australie, qui lance les 24e Jeux olympiques d’hiver à Pékin. Rien à voir avec les Jeux d’été de 2008, où la Chine avait mis en scène sa puissance émergente et avait ébloui par sa capacité organisationnelle. "La Chine de 2008 misait sur l’organisation des JO pour faire sa réclame à l’échelle mondiale de son entrée dans le concert des pays riches. En 2022, le contexte est différent. Il s’agit pour la Chine d’affirmer sa superpuissance, notamment face aux États-Unis", explique Patrick Clastres, professeur d’histoire du sport à l’Université de Lausanne.

 

Difficile d'oublier l'affaire Peng Shuai et le sort des Ouïghours

Pour la Chine, il est difficile de faire oublier le génocide qu’elle est accusée d’orchestrer contre la communauté Ouïghours où encore l’affaire Peng Shuai, du nom de cette tenniswoman chinoise qui a disparu en novembre 2021 après-avoir accusé un ancien dirigeant chinois d’agression sexuelle. Si elle a depuis donné signe de vie via des visioconférences, sa situation continue reste très flou et continue d’inquiéter. L’un des moments extra-sportifs forts de ces JO sera d’ailleurs la rencontre annoncée entre le président du CIO (le Comité international olympique), Thomas Bach, et la jeune joueuse de tennis.

 

Le poids politique des Jeux pèse sur les athlètes

Reste que cette affaire a marqué le monde du sport et que ces controverses placent les athlètes dans une situation parfois délicate. Dans une lettre partagée par des militants ouïghours, tibétains et hongkongais en décembre, les athlètes étaient là encore invités à ne pas se rendre en Chine. En janvier, une tribune signée par une vingtaine d’intellectuels et publiée dans le journal L’Express s’intitulait : "Les athlètes qui défileront devant Xi Jinping seront complices d'une opération de propagande".

La plupart des sportifs refusent de laisser peser sur leurs épaules le poids de ces controverses. Pour beaucoup, les Jeux olympiques sont un rendez-vous incontournable dans une carrière. "Je suis ici pour faire des compétitions et pas pour parler de tout ce qu’il y a autour, a par exemple signifié le skieur français Alexis Pinturault en conférence de presse, ce qui est certain, c’est que la tenue des Jeux en Chine est controversée. On le savait depuis longtemps. Il fallait peut-être se poser ce genre de question avant d’attribuer les JO à ce genre de pays."

 

La faiblesse du Comité international olympique (CIO) montrée du doigt

La cible est claire : le Comité international olympique. Professeur d’histoire du sport à l’Université de Lausanne, Patrick Clastres va plus loin. Pour lui, "les États démocratiques, les institutions sportives et le CIO se sont montrés assez faibles dans leurs réactions. Ils contribuent à la dés-universalisation des Jeux olympiques en accréditant le discours de la Chine, de la Russie ou de certaines puissances islamiques selon lequel les droits de l’homme sont une invention de l’Occident. Selon eux, défendre les droits humains est un acte politique alors que c’est un universalisme qui doit être au-dessus des contingences politiques".

Ce manque de réaction du CIO et des autres acteurs internationaux serait même selon lui "une brisure de ces Jeux olympiques de Pékin, un point de rupture sur la question des droits humains". Reste que le CIO est dans une position d’équilibriste, car il est dans une logique d’olympisation du monde. Le but est de ne laisser personne derrière et l’équation devient donc tout de suite plus complexe. Pour éviter la création de dissidence, "il faut promener les Jeux dans les pays qui ne sont pas démocratiques au nom de la neutralité du sport". Sauf que le paradigme paraît compliqué à tenir, car "choisir de remettre les Jeux à la Chine où les maintenir à Berlin lorsque Hitler arrive au pouvoir en 1933, cela reste un acte politique ou interprété comme tel", analyse Patrick Clastres.

 

Le modèle des Jeux doit-il changer ?

La question risque de se poser avec insistance à la fin de la quinzaine 2022. "À la sortie des Jeux, il fait peu de doute que la question des droits humains va ressurgir, notamment du côté des athlètes", anticipe Patrick Clastres. "On pourra en discuter à la fin des Jeux", confirme Alexis Pinturault.

C’est peut-être le modèle même des Jeux olympiques modernes qu’il faut repenser. "Les JO attendent leur moment transnational, avance Patrick Clastres, aujourd’hui, ils sont construits comme des épreuves entre les nations plutôt que comme des rencontres entre athlètes au-delà des frontières. On pourrait sortir de ce format actuel d’équipes nationales afin d’éviter cet affrontement indirect entre États, le CIO va d’ailleurs probablement méditer là-dessus", conclut Patrick Clastres.
 

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