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La décision des Sages du Conseil constitutionnel peut-elle vraiment être impartiale ?

Un article rédigé par Laurette Duranel - RCF, le 14 avril 2023 - Modifié le 17 juillet 2023

Après des semaines de spéculations, la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites est rendue ce vendredi 14 avril. Un jugement aussi attendu que redouté de toutes parts, et avec une pointe de méfiance chez certains. La faute aux critiques régulièrement faites sur un manque d’indépendance de l’institution, mais qu’en est-il vraiment ?

© Photo Riccardo Milani/ Hans Lucas© Photo Riccardo Milani/ Hans Lucas

Malgré la discrétion qu’on leur connaît et leur devoir de réserve, les Sages sont parfois soupçonnés d’être juges et partie. Et cela est dû notamment à leur mode de nomination. Le Conseil "est composé de neuf membres, dont trois membres sont nommés par le président de la République, trois par le président du Sénat et trois par celui de l’Assemblée, détaille Élise Fraysse, professeur de droit constitutionnel à l’université de Clermont-Ferrand. Par conséquent, on peut douter de la véritable impartialité des membres du Conseil constitutionnel, poursuit-elle. Est-ce qu’ils vont être amenés à juger uniquement en droit et en faisant abstraction de leurs opinions politiques ou est-ce qu’ils vont vouloir protéger leurs affinités politiques ?". 

 

Passé politique et lacunes en droit 

 

Renouvelés par tiers tous les trois ans, les Sages sont en ce moment quatre à être apparentés Les Républicains, trois d’entre eux ont notamment été désignés par le président du Sénat Gérard Larcher ; trois autres membres sont apparentés Renaissance, dont deux ont été nommés par Emmanuel Macron ; et deux membres sont issus du Parti Socialiste comme Laurent Fabius, le président du Conseil. 

 

Des personnalités qui ont toutes eu un passé politique mais qui n’ont pas, pour la plupart, fait d’études de droit, et encore moins de droit constitutionnel. Contrairement à ce qui est fait dans d’autres pays, comme l’explique le constitutionnaliste Thibaud Mulier : "Dans certains états étrangers, notamment en Allemagne, il y a des contraintes, par exemple un certain niveau d’études en droit ou une expérience juridique... En France, on a eu des grands juristes dans les vingt dernières années du XXe siècle, mais depuis on a davantage des anciens politiques qui sont nommés." Malgré ce manque de formations, les Sages peuvent s’appuyer sur un service juridique. 

 

Des garde-fous pour garder confiance dans l’Institution

 

Il existe aussi des garde-fous pour garantir au maximum l’indépendance du Conseil constitutionnel. Depuis 2008, il y a un contrôle des commissions de l’Assemblée et du Sénat. En outre, l’aspect procédural et le fait de décider de manière collégiale renforce le côté impartial. "Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de biais politiques", rappelle Thibaud Mulier. Enfin le principe d’incompatibilité oblige les Sages à se consacrer à 100% à leur mission au sein du Conseil, ils n’ont ainsi pas le droit d’avoir une activité politique ou publique à côté.  

 

Mais "cela ne veut pas dire pour autant que le dispositif est parfait", admet le constitutionnaliste. Marine Le Pen l’a elle-aussi fait remarquer cette semaine en appelant à ouvrir la "réflexion" autour de la composition du Conseil, pour faire en sorte que ses membres soient "véritablement et totalement indépendants". Tout en affirmant qu’elle respecterait la décision de l’Institution.

 

Un discours ambivalent pointé du doigt par le député Renaissance de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf. "On ne peut pas d’un côté saisir le Conseil constitutionnel parce que la loi ne respecte pas la constitution et dire dans le même temps qu’il n’est pas vraiment indépendant. Je crois que c’est insulter les personnalités qui y siègent et qui sont avant tout des défenseurs de la République. Et ce n’est pas parce que le président nomme quelqu’un au Conseil constitutionnel qu’il n’est pas objectif sur le rendu qu’il doit fournir", affirme-t-il, tout en s’inquiétant de cette défiance envers le fonctionnement démocratique. Sur ce point, les deux juristes s’accordent avec lui : il faut faire confiance au conseil constitutionnel, et ce même s’il y est "perfectible".

 

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