Sous la pression de l'opinion publique mais aussi devant le constat des effets du dérèglement climatique, est-on en train de passer à la finance verte ? Depuis quelques mois, des banques françaises annoncent exclure des sociétés et refuser des projets d’hydrocarbures non conventionnés, par exemple... Mais ce n'est pas si simple, cependant, et pour certains c'est tout un système qu'il faut changer.
"Si vous travaillez pour eux, vous le savez très bien, vous n’en êtes pas seuls responsables, et il vous faut bien manger, oui, mais vous participez à l’action de banques criminelles. Oui, j’assume le mot. Criminelles." Dans sa chronique "Tout est lié" sur RCF, le jeune militant écologiste Adrien Louandre ne mâche pas ses mots. Les institutions financières sont-elles criminelles ? Pour Lucie Pinson, de l'ONG Reclaim Finance, la réponse est oui, "étant donné qu’ils ont connaissance des impacts du dérèglement climatique depuis des années et pourtant on continue de mettre de l’argent dans le déploiement d’infrastructures qui ne peuvent qu’aggraver la situation climatique".
Reste la question de la responsabilité. Lucie Pinson, la lauréate du prix Goldman pour l'environnement 2020 pour l'Europe, considère que "les personnes au plus haut niveau bien entendu ont une grande responsabilité à réorienter et transformer profondément les institutions qu’ils dirigent". Or, Julien Lefournier en témoigne, lui qui a travaillé pendant 25 ans sur les marchés financiers : "Quand on est sincèrement préoccupé par la lutte contre le réchauffement climatique, on se sent complètement impuissant à l’intérieur d’une grande institution, on ne peut rien faire..."
Quand les institutions financières se sont mises à créer des groupes RSE (pour Responsabilité sociale et environnementale), il s’agissait surtout de "faire briller et défendre l’image d’une institution", note Lucie Pinson, qui a longtemps travaillé pour Les Amis de la Terre. "La première motivation des institutions financière pour agir a été la réputation face à une montée de ces sujets-là."
Mais depuis la COP21, on est entrés dans "une nouvelle dynamique", semble-t-il avec une "reconnaissance des risques intrinsèques posés sur le secteur financier, liés au dérèglement climatique". Comme l’a dit le président d’Axa, "un monde à +2 °C pourrait encore être assurable, un monde à 4 °C ne le serait certainement plus". Récemment, juste avant la COP26, six banques françaises ont annoncé s’être mises d’accord pour ne plus financer à partir de 2022 certains projets d’hydrocarbures non conventionnés. Des engagements que Reclaim finance a cependant déclaré "insignifiants".
Présenter l’exclusion de certains clients ou de certains secteurs d’activité comme la solution pour une finance verte relève d’un "raisonnement simpliste", estime Julien Lefournier. Un groupe financier qui déciderait de ne pas investir en effet dans tel ou tel titre, comme les actions des pétroliers, prendrait le risque de ne pas profiter d’un éventuel rebond.
"Aujourd’hui le message de l’essentiel de la finance verte, ou durable, c’est la même promesse de performance financière que les autres, et en même temps on va sauver le monde. On comprend qu’on va sauver le monde pour zéro, ça ne fait pas beaucoup d’engagement tout ça !" Une fois posé ce constat plutôt pessimiste quelles solutions proposer ? L’auteur, avec Alain Grandjean de "L'illusion de la finance verte" (éd. L’Atelier) considère qu’il faut penser "la" finance comme un tout, "comme un système". "On ne peut pas mettre sous les projecteurs sur une finance qui met un euro dans les projets verts quand elle en met trois dans les énergies fossiles."
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