La Mère Richard, figure emblématique des Halles de Lyon

Renée Richard est tombée dans la marmite toute petite. Destinée à devenir notaire, elle vient aider sa mère à la fromagerie en attendant de trouver son stage de fin d'études. Celui-ci n'arrivera jamais et la fille Richard ne quittera plus le commerce familial. 

Dès son plus jeune âge, Renée Richard fille vient prêter main forte au sein des Halles de Lyon, à l'époque située dans le quartier des Cordeliers en presqu'île, en face des Galeries Lafayette, du Grand Bazar et de l'église Saint-Bonaventure. 

Gouailleuse, Renée Richard mère est vite repérée par les clients et sur son étal, la qualité est là. Renée Richard, la fille, se souvient.

Ma mère avait un sacré caractère. Les clients fidèles, quand ma mère ne se mettait pas en colère, ils faisaient tout pour que ça arrive ! Ca faisait partie du folklore et du spectacle.

Les clients sont aussi séduits par la qualité des fromages vendus par Renée Richard. La commerçante, formée dans les laiteries/fromageries lyonnaises de Reignier Frères, a un sens aigu du marketing. Elle tente une nouvelle façon de vendre le Saint-Marcellin, ce petit fromage de vache rond à pâte molle et croûte fleurie du Dauphiné, portant le nom d'un village situé sur les bords de l’Isère, en contrebas du massif du Vercors. 

Les Saint-Marcellin se mangeaient mi-sec à l'époque, un peu comme un séchon. Ma mère, elle, a cherché à faire couler le Saint-Marcellin, pour qu'il soit prêt à être étalé sur du bon pain. C'était prendre un risque. Elle a fait goûter ce produit affiné de cette manière et ça a plu. Ce pari a participé à sa renommée. 

Autre innovation : Renée Richard choisit d'emballer le Saint-Marcellin dans un papier au logo parfaitement ajusté à la taille du fromage. Aujourd'hui, la fromagerie de La Mère Richard en vend plus de 365 000 unités par an, soit un millier par jour.

Paul Bocuse, inséparable du succès de la Mère Richard

La réputation de la Mère Richard doit aussi son envol à un cuisinier emblématique de Lyon : Paul Bocuse. Le pape de la gastronomie locale sympathise aux Halles avec Renée Richard, avant de mettre ses fromages à sa carte de son restaurant étoilé à Collonges-au-Mont-d'Or. Le surnom de « La Mère Richard », qui deviendra au bout d'un moment le nom du commerce, est d'ailleurs une invention de Paul Bocuse, qui avait pris l'habitude de saluer ainsi son amie fromagère.

Cette amitié complice s'affiche d'ailleurs sur les photos et les objets souvenirs affichés derrière le comptoir tenu par Renée Richard. 

Quand les journalistes et cuisiniers du monde entier venaient rencontrer Paul Bocuse aux Halles, il venait toujours les amener au magasin, se souvient Renée Richard. On a connu des célébrités, tous les rédacteurs en chef, les plus grands photographes des magazines français ou américains : Lui, Paris Match...

Cette histoire de rencontres avec des personnalités célèbres a connu un épisode marquant : la visite du prince Charles d'Angleterre le 8 mai 2018 avec son épouse la duchesse Camilla Parker Bowles. Le futur roi d'Angleterre confesse alors à Renée Richard fille son amour du brie, et repart des Halles Paul Bocuse avec un demi-brie dans ses bagages. 

Une place au nom de la Mère Richard

Cette renommée de la Mère Richard a poussé la ville de Lyon a lui rendre un hommage pérenne. Moins de deux ans après sa disparition, dans le cadre du réaménagement de la rue Garibaldi, le parvis piéton devant les Halles Paul Bocuse a été baptisé « Parvis Renée Richard » en novembre 2016. Aujourd'hui, même à 74 ans, sa fille travaille chaque jour à être digne de cet honneur rendu par la capitale de la gastronomie.