Faut-il reconnaître le régime des talibans en Afghanistan ? C'est une question qui sera au cœur d'un sommet extraordinaire du G20, organisé par Rome en Italie ce mercredi et qui se tiendra par visioconférence. Les 20 pays les plus puissants du monde doivent poser des conditions à cette reconnaissance : que les opérations humanitaires puissent continuer, que les talibans condamnent les groupes terroristes et que les droits des femmes soient respectés. Un dernier point sensible mais fondamental.
Les droits que les Afghanes avaient acquis ces 20 dernières années sont bafoués. Comme un goût de déjà-vu pour celles qui avaient vécu sous le règne des talibans entre 1996 et 2001. Le groupe fondamentaliste est donc de retour au pouvoir, avec un gouvernement entièrement masculin et une vision ultra-rigoriste de l’islam, après 20 ans de présence américaine en Afghanistan. Les femmes qui sont restées dans le pays doivent désormais être voilées dans l’espace public. Elles ont accès à l’école et à l’université mais ces espaces ne sont désormais plus mixtes. Cela va même jusqu’aux publicités avec des visages de femmes, qui ont été recouvertes de peinture.
"Ils ont interdit aux femmes d’aller au travail. [...] Les femmes subissent de plein fouet parce que leur salaire permettait de nourrir leur famille, de se nourrir, de payer leur loyer. Maintenant elles vivent dans une pauvreté extrême", s’inquiète Shoukria Haïdar, militante afghane qui vit en France, et présidente de l'association Negar - Soutien aux femmes d'Afghanistan. Une pauvreté alarmante conjuguée à l’impossibilité d’acheminer une aide humanitaire dans le pays depuis l’arrivée au pouvoir des talibans. Cet enjeu sera discuté au sommet du G20 à Rome en Italie.
La question de la reconnaissance des talibans est très sensible. Ils ont longtemps été considérés comme un groupe terroriste. Les puissances étrangères veulent d’ailleurs éviter de faire de l’Afghanistan un foyer du terrorisme. Pourtant, les talibans sont bel et bien au pouvoir depuis maintenant presque deux mois et il semble inévitable de dialoguer avec eux pour parler des questions humanitaires, terroristes et justement des conditions de vie des femmes afghanes. Ils avaient formulé des promesses sur les droits humains et la communauté internationale s’inquiète qu’elles ne soient pas respectées.
Mais il peut y avoir une marge de négociation. "L’enjeu c’est le maintien d’un certain nombre de droits que les femmes ont obtenu à Kaboul durant les 20 dernières années. Il y aura des restrictions. Mais une fois qu’on a accepté l’idée de donner les clefs du pouvoir aux talibans, il faut en tirer les conséquences. Donc il faut négocier avec eux. Ils ont besoin de la reconnaissance internationale", affirme Olivier Roy, politologue spécialiste de l’Afghanistan et professeur à l’Institut universitaire de Florence en Italie.
Mais cette reconnaissance ne met pas tout le monde d’accord entre les pays du G20. Même certaines femmes, qui espèrent plus de liberté en Afghanistan, n’y sont pas favorables. "La reconnaissance des talibans c’est un crime. Ça veut dire qu’on ne reconnaît pas le droit des femmes, la liberté des gens et toutes les valeurs démocratiques. On laisse les talibans massacrer, tuer, déshonorer, pousser les gens à la pauvreté extrême", alerte Shoukria Haïdar, la présidente de Negar - soutien aux femmes d’Afghanistan. Des femmes qui tentent de manifester pour leurs droits, mais qui sont aussitôt réprimées par les talibans.
Certains observateurs constatent que les femmes n’ont pas l’interdiction d’aller à l’université, que leurs conditions de vie sont relativement plus souples que durant la première période où les talibans étaient au pouvoir, entre 1996 et 2001. "Ils ne reviennent pas à la politique qu’ils avaient mis en place en 1996 quand ils ont pris le pouvoir qui était : toutes les femmes à la maison et interdiction de sortir sans la burqa. On n’en est pas là du tout. Ils veulent revenir sur un certain nombre d'acquis que des femmes de Kaboul ont obtenu ces 20 dernières années. Mais il ne faut pas penser que la loi, il y a six mois, faisait des femmes les égales des hommes en Afghanistan", assure le politologue Olivier Roy.
Tout cela est bien sûr à relativiser car beaucoup de femmes ne peuvent plus travailler. Certaines tentent de quitter le pays, en vain, d’autres de se battre de l’intérieur. Pour les aider, la militante Shoukria Haïdar explique qu’il faut continuer d’en parler et de mettre la pression sur la communauté internationale.
Les talibans rencontreront des dirigeants de l’Union européenne ce mardi à Doha au Qatar. "Nous voulons des relations positives avec le monde entier", a affirmé un membre du gouvernement du groupe islamiste.
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