Alors que la France ressort profondément divisée de ce scrutin, à l’image d’une Assemblée nationale morcelée en quatre blocs disparates, l’enjeu de la cohésion nationale apparaît crucial. Certains élus normands plaident pour un dépassement du gouvernement par les partis, d’autres en appellent à une politique qu’ils estiment plus juste. D’autres enfin pointent du doigt l’importance de légiférer différemment.
Avec une participation inégalée ces quarante dernières années (66% en France avec une mobilisation atteignant plus de 70% dans les 6e, 5e et 4e circonscriptions du Calvados ou de la 3e de la Manche par exemple) et une Assemblée nationale incapable, pour l’heure, de dégager une majorité pour gouverner, les dernières élections législatives semblent entériner la fin du gouvernement majoritaire.
Le RN, arrivé en troisième position au niveau national, mais qui progresse significativement en Normandie avec six sièges en Haute-Normandie et des scores très solides en Basse-Normandie, annonce vouloir continuer à travailler au bien-commun. « On a toujours eu dans la mandature précédente une action qui n’était pas sectaire, précise Timothé Houssin, réélu dans la 5ème circonscription de l’Eure sous la bannière RN, et quand certains de nos adversaires de la macronie ou de gauche proposaient des choses qui nous semblaient intéressantes, on a voté leurs amendements. »
Plusieurs élus locaux normands soulignent l’importance d’avoir des députés indépendants au Parlement. C’est le cas par exemple de Joël Bruneau, le maire de Caen qui a été élu dans la 1ere circonscription du Calvados. Il se présente comme Divers Droite, sans étiquette. « Je siégerai comme indépendant, en homme libre et je prendrai les positions qui me sembleront les plus conformes à l’intérêt du pays », annonce-t-il.
Si on a un certain nombre de personnes qui votent pour des partis qu’on juge extrême (...) c’est que tout ne va pas bien
« Ce qui compte c’est d’avoir des convictions claires et prendre des positions en fonction d’elles et non pas de postures et tactiques politiques », ajoute-t-il.
« Au-delà de ça, il faut être capable de regarder collectivement les sujets en face qui n’ont pas disparus ce soir et si on a un certain nombre de personnes qui votent pour des partis qu’on juge extrême, à droite comme à gauche, c’est que tout ne va pas bien ». Et de citer la dégradation du système scolaire, la non-maîtrise des flux migratoires ou la question de l’insécurité.
Cette attention au message délivré par les Français à l’issue de ces législatives n’est pas l’apanage de la droite parlementaire. La député socialiste Chantal Jourdan, réélue difficilement à Alençon dans l’Orne face à un RN très haut, estime « que s’il faut condamner l’idéologie de l’extrême-droite, je suis convaincue par contre que les électeurs et les électrices du Rassemblement national expriment là une souffrance, ce qui est tout à fait différent. »
Et l’élue de la 1ere circonscription de l’Orne d’appeler chacun des députés à puiser « dans ses qualités humaines » pour trouver les solutions à venir.
Les électeurs nous demandent de dépasser les étiquettes politiques, de voter en fonction de notre conscience.
Le député de Lisieux, Jérémie Patrier-Létus analyse les résultats de ce dimanche soir comme « un cri d’alerte lancé par les Français » qui ont souhaité « ne donner la majorité et leur confiance à aucun parti politique pour avoir la majorité absolue ». Pour le député de la 3ème circonscription du Calvados, élu pour la première fois en 2022 sous les couleurs Horizons, « les électeurs nous demandent de dépasser les étiquettes politiques, de voter en fonction de notre conscience et de travailler sur des majorités d’idées et non plus de partis ».
Au-delà, le jeune parlementaire estime qu’il doit jouer pleinement son rôle de « pont » : « Être député, c’est sans doute l’un des métiers les plus importants dans notre pays, car nous sommes un pont entre les Français dont beaucoup ne s’en sortent plus, celle des petites communes rurales et la France d’en haut et donc je pense que nous avons une responsabilité immense, celle de réconcilier ou de faire avancer ensemble cette France qui se sent déconsidérée, déclassée et parfois méprisée et puis une autre France qui a peut-être un avenir plus facile, plus radieux. » Pour lui, les nouveaux députés sont « des vecteurs de cohésion sociale et de fraternité ».
À gauche, plusieurs élus soulignent le lien entre la politique menée ces dernières années par la majorité présidentielle et la cohésion nationale affaiblie. C’est le cas d’Anna Pic, socialiste et élue Nouveau Front Populaire pour la 4e circonscription de la Manche : « Il faut remettre des éléments d’apaisement et l’injustice sociale fracture la société. » L’élue de Cherbourg développe les éléments qui selon elle seront ferment de cohésion : « Les électeurs nous ont donné un certain nombre d’éléments et il semble évident que les revenus du travail, la justice fiscale, la question de l’école sont des éléments structurants, tout comme la sécurité du quotidien. »
Une vision que partage à Caen Arthur Delaporte, le député de la 2e circonscription du Calvados : « Aujourd’hui, le message est clair, c’est un désaveu cinglant pour le président de la République et ses troupes. » Le « premier fédéral » du PS dans le Calvados souligne « l’esprit profond de responsabilité que doit avoir le député en tenant compte du cri de colère dans l’élaboration des politiques publiques à venir ».
Enfin, certains élus pointent du doigt l’importance de travailler autrement la loi. C’est le cas d’Annie Vidal député Ensemble de la majorité présidentielle, élue dans la 2e circonscription de Seine-Maritime : « La grande leçon de cet épisode, c’est que les Français nous demandent de travailler autrement, c’est-à-dire légiférer moins, mais préparer les textes en amont pour trouver des consensus avec les opposants. » L’élue, député depuis 2017 et qui siège à la commission des affaires sociales, estime aussi que l’évaluation des politiques publiques doit être renforcée. « Force est de constater qu’il y a un écart important entre les objectifs portés dans un texte et leur déclinaison sur le terrain pour le quotidien des Français. » Et cette évaluation doit être faite par les hautes administrations « qui sont précieuses », mais aussi « avec les acteurs locaux qui sont sur le terrain ».
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