Le maire est l’élu préféré des Français selon un sondage récent du CEVIPOF, le centre de recherches politiques de Sciences Po. Il est souvent une référence, une personnalité politique de confiance pour ses habitants. 10.000 édiles se réunissent à Paris ce mardi pour le 103è congrès des maires. Leur quotidien a été bouleversé par la crise sanitaire. Pour se faire entendre, ils éliront demain le nouveau président de l’association des maires de France (AMF).
L’élection s’annonce déjà inédite. C’est la première fois depuis la création de l’association des maires de France en 1907 que deux listes s’affrontent pour briguer sa présidence pendant un mandat de trois ans.
Il y a d’abord la liste de David Lisnard, le maire divers droite de Cannes. Actuel vice-président de l’association des maires de France, il a été désigné par le président sortant François Baroin comme son successeur. Ce qui n’aurait donc pu être qu’une formalité a rapidement pris des allures de duel.
Face à lui, Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux dans les Hauts-de-Seine et actuel secrétaire général de l’AMF. Il est qualifié de "Macron-compatible", avec une liste composée de différents maires relativement proches de la majorité. Ses rivaux craignent même une mise sous tutelle de l’association par le président de la République. L’unité qui a longtemps été prônée par l’AMF semble donc désormais un peu fissurée.
L’association des maires de France est constituée de maires regroupés dans une institution pour faire valoir leurs attentes auprès de l’Etat. Des maires parfois excédés, à bout de souffle. Certains doivent faire face à des pressions, des agressions, comme celle de Jérémie Bréaud, maire de Bron (Rhône) en février dernier. Il y a deux ans, le maire de Signes (Var), Jean-Mathieu Michel avait été renversé par le conducteur d’une camionnette qui avait été aperçue en train de déverser illégalement des gravats.
Autant de situations qui illustrent la tension entre le maire et ses habitants. "La crise sanitaire a engendré beaucoup de frustrations, de difficultés. Le maire, c’est le premier interlocuteur du citoyen. Nous sommes le premier niveau de dialogue et à la fois le dernier espoir des citoyens", renchérit André Laignel, maire socialiste d’Issoudun dans l’Indre et candidat sur la liste de David Lisnard.
Un malaise qui s’accompagne aussi par un sentiment d'impuissance, parfois d’abandon, face à un Etat et un pouvoir très centralisé. Face à cela, l’AMF "permet d’exprimer des préoccupations d’une recentralisation excessive du pouvoir politique dans le pays, estime Philippe Laurent. L’Etat a quitté le territoire. La haute administration a tendance à édicter des normes générales qui sont autant de contraintes très fortes qui empêchent la prise d’initiatives."
Parmi les choses dont les maires se plaignent : les manques de moyens. Ils dénoncent la suppression de la taxe d’habitation ou encore la baisse de leurs dotations. Mais aussi leur manque de moyens et de compétence en matière de santé.
C’est une des choses que la crise sanitaire a mis en lumière. Beaucoup de maires ont dû se débrouiller face à l’épidémie de Covid-19. Informer les habitants sur la crise en elle-même, sur la vaccination, organiser cette vaccination… Les élus n’avaient pas non plus forcément l’habitude de travailler avec les agences régionales de santé (ARS). Pour Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission santé de l’AMF, les maires ont vu leur travail complètement bouleversé.
Il en demande donc aux autorités "une reconnaissance officielle du rôle des maires, le fait que nous puissions avoir de vraies conseils d’administration dans les hôpitaux, des instances locales à créer que les maires puissent être reconnus dans leur rôle d’interface entre médecine de ville et médecine hospitalière car parfois ces professionnels se connaissent mal".
Il faut bien aussi avoir à l’esprit que tous les maires ne disposent pas des mêmes moyens. "Il n’y a rien de commun entre un maire urbain qui a des marges de manœuvre financières et budgétaires et des maires ruraux qui font ce qu’ils peuvent avec peu de ressources. On a une grande disparité selon la taille et la richesse des territoires", explique Christian Le Bart, professeur de sciences politiques à Sciences Po Rennes. Il est l’auteur de “Les Maires, Sociologie d’un rôle” (éd. Presses universitaires du Septen-Trion) et plus récemment de “Petite sociologie des gilets jaunes” aux presses universitaires de Rennes.
Ce qui apparaît en tout cas c’est qu’Emmanuel Macron a tout intérêt à entretenir de bonnes relations avec eux, et c’est réciproque. "Lorsque l’Etat ignore les maires, ça produit des politiques publiques qui tournent un peu à vide par méconnaissance du terrain. C'est clair qu’au sommet de l’Etat, on a besoin des élus. Mais dans l’autre sens, les élus ont besoin d’un Etat interlocuteur. Les maires collectivement ont su s’organiser pour ne pas être trop sous la dépendance unilatérale de l’Etat", analyse Christian Le Bart.
Plusieurs sujets seront abordés pendant les trois jours du congrès, autour de tables rondes. Les membres de l’AMF voteront sur internet entre mardi 17 h et mercredi 15 h. Le nouveau président devrait donc être connu mercredi en fin d’après-midi.
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