Du simple clapotis dans l'eau jusqu'aux bruits de pâles des hélices d'un sous marin : rien n'échappe à ces experts du son : les Oreilles d'Or, l'élite de la marine nationale. Ils sont une trentaine en France. Pour s'entrainer : le Cira, le centre d'interprétation et de reconnaissance acoustique, le seul et unique en France de ce type. Un lieu extrêmement sécurisé, installé dans le cœur de la base navale de Toulon, dans lequel nous avons pu pénétrer.
Casque vissé aux oreilles, regard concentré sur les écrans d'ordinateurs de cette petite salle pendant des heures, le tout dans une atmosphère tamisée, rouge : celle d'un sous marin nucléaire. Tout est fait pour reproduire à l'identique les conditions dans lesquelles travaillent ces experts acoustiques, comme l'explique le capitaine de frégate et commandant du Cira, Vincent Magnan :
La salle dans laquelle on se trouve est la salle qui sert à l'entrainement des analystes avant de partir en mer. On le met dans les conditions les plus proches du réel, avec une température ambiante qui ressemble à celle d'un sous-marin en plongée, avec les bruits de ventilation des appareils électroniques similaires à ceux qui sont à bord d'un sous-marin. Et quand on ferme la porte, on est encore plus proche du réel...
Une fois mis en situation, Maître Yve-Marie [pour des raisons de sécurité, son nom reste anonyme], analyste en guerre acoustique, n'a plus qu'a faire son travail. Sa mission? Identifier la signature sonore qu'il entend dans son casque. En d'autres termes : être capable de différencier, par exemple le bruit émis par un cachalot d'un sous marin nucléaire. Avec un degré de précision étonnant :
On entends tout : les crevettes par exemple, c'est très petit mais ça fait beaucoup de bruit.
Un bruit très utile puisqu'un banc de crevettes, similaires à un bruit des castagnettes, peut brouiller le son émis par un sous-marin.
Sans avoir forcément l'oreille absolue, il faut surtout avoir une audition parfaite. Il a fallu à Yves-Marie entre 4 000 et 6 000 heures de plongée, soit environ 4 ans. Sans compter une année de formation obligatoire pour écouter tous les sons, du phénomène météorologique jusqu'aux hélices de bateaux.
On va les enregistrer dans notre tête. On n'a pas un cerveau d'éléphant : on a d'abord notre mémoire et puis ensuite, une base de données qui va nous aider dans notre idée.
Le Cira possède ainsi une base de 40 000 sons, ramenés au cours des missions des quarante dernières années. Ils sont stockés dans une salle adjacente :
C'est dans cette pièce qu'on décortique les signaux, qu'on les analyse ; et dès qu'on détecte des nouvelles informations, on met à jour notre base de données.
La marge d'erreur semble ainsi minime :
Si on fait des erreurs, c'est vraiment que le cas est non conforme, c'est à dire qu'on ne l'a probablement jamais entendu et [l'entendre] c'est ce qui va nous permettre justement de ne plus faire cette erreur
Au total, il existe aujourd'hui en France une trentaine d'Oreille d'Or.
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