L'Unesco attendait ce mardi un rapport sur l’état de conservation de Sainte-Sophie, ce joyau du patrimoine universel redevenu une mosquée en 2020. Mais la préoccupation de l'Unesco pourrait en cacher une autre. Le gouvernement turc a fait de Sainte-Sophie une arme politique, selon l’historien Jean François Colosimo.
Le Comité du patrimoine mondial de l’Unesco attendait ce mardi un rapport sur l’état de conservation de Sainte-Sophie. Cette ancienne église byzantine, devenue mosquée ottomane puis musée, est redevenue une mosquée en juillet 2020. La décision du président turc Recep Tayyip Erdogan avait suscité de fortes réactions dans le monde entier. Symbole de la ville, lieu incontournable pour les touristes, Sainte-Sophie fait partie d’une zone historique d’Istanbul inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. L'organisation n'avait pas manqué de faire savoir son regret et son inquiétude.
La transformation de Sainte-Sophie en mosquée peut-elle laisser craindre une dégradation progressive du lieu ? Assurément non, estime l’historien Jean-François Colosimo, pour qui "le problème ce n’est pas l’état de Sainte-Sophie, bien que l’Unesco ne puisse s’emparer que de cette question pour manifester son souci..."
Si Sainte-Sophie continue d’accueillir du public, certaines mosaïques et fresques chrétiennes sont cachées derrière des voiles pendant les prières. C'est "cette prohibition des images humaines" qui pose "problème" pour l’historien. Jean-François Colosimo parle d’une "occultation complète de l’histoire". "C’est aussi une occultation complète du visage qui va avec toute la volonté d’envoilement des femmes que manifeste le parti islamiste aujourd’hui au pouvoir en Turquie."
Le gouvernement turc a fait de Sainte-Sophie une arme politique, dénonce l'historien. Jean-François Colosimo est l’auteur, en 2020, d’une tribune dans Le Figaro ,"Ne laissons pas Erdogan transformer la basilique Sainte-Sophie en mosquée !" Il remarque que l'État turc met un point d'honneur à reconvertir "ces joyaux de l’orthodoxie, de Byzance, et du patrimoine universel de l’humanité, en mosquées actives". Des "lieux historiques" qui sont par ailleurs "entourés de 10, 20, 30, 40 mosquées neuves, que le gouvernement islamiste de Turquie a érigées tout autour d’elles".
Cette insistance de l'État turc est le signe que "l’argument religieux est instrumentalisé à des fins politiques, comme un moyen de réarmement symbolique". Cela ne fait aucun doute pour Jean-François Colosimo, que "refaire de Sainte-Sophie une mosquée, ça veut dire non à l’Europe". L'historien formule le vœu que Sainte-Sophie devienne un lieu de culte partagé entre les sunnites et les chrétiens orthodoxes. Un vœu pieu, reconnaît-il, mais le seul moyen pour que l’universalité de Sainte-Sophie soit perpétuée.
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