Une reprise progressive des cours à partir du 11 mai ? L’annonce du chef de l’État lundi soir a pris de cours bon nombre d’enseignants et parents d'élèves. Excepté le Danemark qui rouvre ses écoles dès aujourd’hui, la France fait donc figure d’exception en priorisant la reprise des cours sur le reste. Une mesure qui soulève des inquiétudes quant à la sécurité sanitaire.
Un grand nombre d'enseignants se disent inquiets, sinon sceptiques. À l’image de Bérengère Bellier, professeur de Lettres au collège : perplexe sur les conditions de reprises dans un établissement qui compte pas moins de 800 élèves, elle confie : "Personnellement, je ne me vois pas enseigner avec un masque et des gants..."
Chez les jeunes enfants, la question de la reprise s'avère encore plus sensible. Hier sur France 2, Jean-Michel Blanquer a déclaré que le port du masque pour les enfants n'est pas exclu "pour le moment". Pour Francette Popineau, la porte-parole du SNUIPP, "on voit mal un enfant supporter un masque toute une journée sans mettre ses doigts, ça paraît très difficile pour un enfant en bas âge". Même chose pour la distanciation sociale ou les gestes "barrière" : "Se laver les mains à la maison c'est bien, quand on a une dizaine d'élèves qu'on doit surveiller ça prend beaucoup de temps !" Autant de cas très concrets "qui font douter de la possibilité de faire rentrer des classes maternelles".
Les conditions sanitaires, voilà ce qui inquiète les syndicats. "Ce qu'on veut c'est la garantie sanitaire, explique Francette Popineau, on sait bien que le risque zéro n'existe pas." La porte-parole du SNUIPP met en avant le risque de réactiver une "chaîne de contamination" et la nécessité d'éviter une "deuxième épidémie". Le conseil scientifique ne s’est pas exprimé officiellement sur la question. Les parents d'élèves eux aussi se disent inquiets : "On attend que dans les mois qui viennent, il y ait des moyens qui soient mis en œuvre pour rassurer les familles sur les conditions d'accueil à partir du 11 mai", prévient Didier Pasquini, directeur général de la PEEP.
Tous les établissements ne rouvriront pas en même temps : comme l'a évoqué Emmanuel Macron lundi, ce serait d'abord les "crèches, écoles puis collèges et lycées". Précisément, le choix de rouvrir en priorité les écoles ne fait pas l’unanimité chez les experts santé. Si l'Institut santé préconise une "reprise normale de l’enseignement envisageable dès le 4 mai" pour les universités "et toute formation supérieure", pour les autres établissements, les auteurs du "Plan de sortie de crise de l’Institut Santé" préconisent de "continuer l’enseignement à distance jusqu’à la fin de l’année scolaire 2020" et évoquent même "une reprise ou non des cours en septembre 2020", "après réévaluation de la situation courant juin".
Mettre fin aux inégalités engendrée par l’enseignement à distance : c'est justement l’un des arguments avancé par le chef de l'État et le ministre de l’Éducation nationale. L'association de parents d’élèves de l'enseignement public (PEEP) estime qu'une reprise des cours en priorité pour les enfants en difficulté peut être une bonne chose.
Mais dans quelle conditions ? Pour Frédérique Rolet, la secrétaire nationale du SNES FSU, au-delà de la difficulté de faire respecter les mesures "barrière", se pose la question de savoir "comment on choisit les élèves". Les élèves qui déconnectent de l'enseignement en temps de confinement, "sont aussi ceux dont on sait que c'est le plus compliqué de faire venir à l'école".
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