Le bruit des battements dans l’eau résonne presque comme d’habitude. À ceci près que le centre nautique André-Sousi, à Bron (Rhône), est quasiment vide. Seuls les nageurs ayant un certificat médical et les sportifs de haut niveau peuvent s’y entraîner. Dans les tribunes désertes depuis un moment, Sergueï Comte s’est presque habitué à ces conditions : "Au moins, on a davantage de place dans les lignes d’eau !", sourit-il. Mais le nageur de 20 ans, tout juste sacré champion de France du 50m papillon, n’a pas toujours bien vécu l’arrivée du Covid-19 : "Lors du premier confinement, la piscine était fermée, se souvient-il. Trois mois sans natation. Le coach nous a donné des préparations physiques à faire à la maison, mais c’était compliqué de trouver la motivation tout seul. Et la reprise en juin a été terrible : les sensations dans l’eau n’étaient plus les mêmes, il fallait reprendre le rythme." Difficile, lorsque les compétitions prévues s’annulent les unes après les autres.
C’est finalement en parlant avec son coach que Sergueï Comte a retrouvé la motivation nécessaire. "Les championnats de France ont eu lieu en décembre et, sauf contre-ordre, les prochains auront lieu également, souligne Yvan Roustit, l’entraîneur du groupe élite au Racing club Bron Décines natation (RCBD). Donc, tant qu’on peut s’entraîner, il faut continuer, on ne peut pas se permettre de s’arrêter." Objectif, désormais, pour Sergueï Comte : une qualification pour le relais aux Jeux olympiques de Tokyo. Ce serait ses premiers en tant que senior. Et même si les conditions seront forcément inédites, il en rêve.
Tout comme Mélina Robert-Michon : la lanceuse de disque a été médaillée d’argent aux JO de Rio, en 2016. Et à Tokyo, elle devrait vivre ses 6e Jeux olympiques. "C’est extrêmement différent de d’habitude parce qu’en général, une année olympique est vraiment calée à l’avance, indique-t-elle. Là, on ne sait même pas encore où on sera en stage la semaine prochaine. C’est atypique mais il ne faut pas non plus perdre trop d’énergie à pester contre quelque chose qu’on ne maîtrise pas." La lanceuse de disque est d’ailleurs prête à se plier aux éventuelles mesures sanitaires envisagées, entre vaccination des athlètes ou bien mise en quarantaine à l’arrivée au Japon. "De toute façon, on a prévu d’y être au moins 15 jours avant avec le décalage horaire et pour bien se préparer, relativise Mélina Robert-Michon. Avant les Jeux, à part le stade et l’hôtel, on ne fait pas grand-chose. En revanche, pas de public, c’est un peu plus compliqué car on n’a pas l’habitude. Mais s’il y a des concessions à faire, on les fera."
D’après le quotidien britannique The Times, le gouvernement japonais se préparerait déjà officieusement à l’annulation des Jeux de Tokyo, ce qui coûterait d’ailleurs plus de 35 milliards d’euros au Japon. Mais cette semaine, Thomas Bach, le président du Comité international olympique (CIO), a redit qu’il était trop tôt pour décider, et qu’il réfléchissait toujours à la façon d’organiser ces JO. "Le CIO a certainement une boîte à outils et tout doit être prévu, d’après Eric Monnin, vice-président de l’université de Franche-Comté et directeur du Centre d’études et de recherches olympiques universitaires. Mais bien malin celui qui saura si et comment les Jeux seront organisés."
Le spécialiste note en tout cas cette coïncidence : en 1940 déjà, les JO de Tokyo avaient dû être annulés, à cause de la Seconde Guerre mondiale. Pour cette nouvelle édition, le Japon avait donc pensé à tout : "En septembre 2019, avant l’arrivée du Covid-19, les autorités japonaises avaient anticipé l’hypothèse d’une épidémie, en faisant venir sur leur territoire quatre virus pour les étudier, affirme Eric Monnin. Et en se disant qu’en cas de problème, des tests viraux seraient prêts. Les Japonais avaient tout prévu, mais malheureusement pour eux, c’est un autre virus qui arrivera quelque mois plus tard."
Une nouvelle annulation des Jeux olympiques pourrait en tout cas freiner l’engouement du public pour cette compétition. Mais Eric Monnin n’y croit pas : "A cause de la guerre, il n’y a pas eu de Jeux en 1940 ni en 1944, rappelle le directeur du Centre d’études et de recherches olympiques universitaires. Et pourtant, en 1948 à Londres, les Jeux du renouveau ont été organisés. Ils n’avaient pas eu lieu depuis 1936, et pourtant en 1948, la flamme est repartie !"
De quoi donner espoir aux organisateurs de Paris 2024, qui estiment que le sort des futurs JO n’est pas lié à celui de Tokyo. "Le seul impact qu’ils peuvent avoir concernent les observateurs du CIO, indique Michaël Aloïsio, directeur de cabinet de Tony Estanguet, le président de Paris 2024. Normalement, à l’occasion de l’édition précédente, le CIO invite les organisateurs suivants à venir observer des sujets techniques. Donc on est en train de s’adapter. Mais dans le cas où les Jeux ne se tiendraient pas, notre projet avance avec son propre calendrier."
Cette année, les organisateurs de Paris 2024 vont donc, notamment, réfléchir aux cérémonies d’ouverture et de clôture. Mélina Robert-Michon, quant à elle, réfléchit déjà à une potentielle 7e participation, maintenant qu’elle n’est plus qu’à trois ans des JO à la maison. Et Sergueï Comte espère, d’ici là, atteindre son meilleur niveau.
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