France
La journée mondiale de lutte contre le sida remet un coup de projecteur sur une maladie trop banalisée. Entre amélioration de la vie des patients et défaut récent de prévention, les militants appellent à ne pas baisser la garde.
Quelques chiffres : 5 000 personnes ont découvert leur séropositivité en 2021, sans augmentation significative par rapport à 2020. "C’est un bon signe", explique Eric Salat, patient expert, et d'ajouter "avant, le nombre des contaminations se situait entre 6 000 et 7 000". La baisse des contaminations est due aux premiers résultats de la Prep (prophylaxie pré-exposition) et du TasP (Treatment as Prevention). "La Prep est une pilule à prendre pour éviter d’être contaminé. Elle est avant tout destinée aux personnes ayant des rapports sexuels fréquents avec des partenaires différents. La communauté homosexuelle et les travailleuses du sexe sont particulièrement visées". La Sécurité sociale la prend en charge à 100%. Stéphane Abriol, anthropologue de la santé, nuance quant à lui l’efficacité du dispositif : "il y a trop de personnes éligibles à la Prep qui n’y ont pas recours. Dans la communauté homosexuelle, certains l’utilisent pour avoir des rapports non protégés. La communication autour de cette innovation a été ambigüe, en aucun cas elle ne dispense d’avoir des rapports protégés".
Le TasP ou traitement antirétroviral comme prévention, a permis de réduire les transmissions. "Il contribue à réduire la charge virale dans le corps des personnes séropositives. Si au bout de 6 mois de traitement, la charge virale est indétectable et que le malade continue de prendre son traitement correctement, alors il ne peut plus transmettre le virus". Il peut donc avoir une vie sexuelle classique, même lors de rapports sans préservatif.
Aujourd’hui, les traitements contre le sida sont moins lourds à supporter. "Ils consistent en la prise d’un comprimé par jour. Chacun d’entre eux contient trois traitements, on parle donc d’une trithérapie" explique Hélène Lépinay. Quant à Eric Salat, testé séropositif en 1992, il se réjouit de l’évolution des traitements qui permettent de normaliser la vie des patients : "Aujourd’hui, il est même possible de faire des pauses dans la thérapie et les effets secondaires sont bien moindres. En tant que patient des premières générations de malades, j’ai dû prendre un traitement qui a entraîné plusieurs co-morbidités : je souffre désormais du diabète, j’ai des problèmes broncho-pulmonaires, des troubles dépressifs, une hypercholestérolémie".
Être porteur du VIH est encore synonyme d’exclusion, qui vient parfois des malades eux-mêmes. Hélène Lépinay, directrice de l'association Dessine-moi un mouton, témoigne d’une réticence des patients à parler de leur séropositivité : "Peu importe leur trajectoire de vie, tous les adolescents que je reçois ont en commun la peur de se confier à leurs proches. La plupart d’entre eux cachent leur maladie. L’annonce de la séropositivité elle-même constitue une rupture dans leur trajectoire de vie". Les deux tiers des jeunes qu’elle accompagne ont été contaminés par un rapport non protégé, un tiers par voie materno-fœtale. "Encore aujourd’hui, des jeunes sont expulsés du foyer familial à l'annonce de leur maladie", souligne Stéphane Abriol. Eric Salat témoigne néanmoins d’une atténuation des discriminations : "À l’époque, c’était excluant comme la peste. Je me souviens avoir perdu des amis et des partenaires professionnels à l’annonce de ma maladie. Des banques m’ont même coupé des crédits. Aujourd’hui, c’est plus insidieux, même s’il n’y a plus de stigmatisation physique grâce au traitement, on ne peut toujours pas exercer certains métiers comme rentrer dans la police ou être magistrat. C’est un plaidoyer constant".
Il y a une baisse de la garde dangereuse face à l’épidémie du sida, s’accordent à dire tous les militants. "Il y a un relâchement depuis les années 2010. Je me souviens d’une visite au Ministère de la santé où on m’a dit “pour nous, ce n’est plus un problème" déplore Eric Salat. "Cela voulait dire à terme une baisse des subventions publiques pour la recherche, la prévention et la formation”. Stéphane Abriol partage ce constat : "les campagnes de prévention en milieu scolaire se sont réduites depuis des années, pareil dans les médias. Les associations elles-mêmes sont en sommeil car en manque de nouveaux militants". Il dénonce l’oubli des années noires du sida : "l’épidémie n’est pas finie, la mémoire des heures les plus sombres est encore trop fragile. Il est nécessaire de la collecter pour la montrer aux générations futures".
Autre problème : les infections sexuellement transmissibles (IST) ont augmenté de 30% entre 2020 et 2021. "Les IST explosent notamment à cause de l’augmentation des rapports non protégés. Même si cela ne se traduit pas pour l’instant par une hausse des contaminations du VIH, cela pourrait totalement subvenir", alerte Stéphane Abriol. "Il y a un malentendu sur la notion de maladie chronique", regrette-il, "beaucoup de jeunes de 15 à 24 ans pensent que le VIH est guérissable car ils comprennent mal le mot chronique". La pandémie de Covid a entraîné une baisse de 13% des tests de dépistage sanguin du VIH entre 2019 et 2020, après 6 ans de hausse. Alors que 29% des personnes testées séropositives en 2021 étaient déjà à un stade avancé de la maladie, la détection précoce du virus est nécessaire.
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