Marie Derain de Vaucresson, a été nommée présidente de la nouvelle instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation. Les évêques comptent sur son expérience de juriste dans la protection de la jeunesse. Elle a été défenseure des enfants, adjointe au défenseur des droits. Cette catholique engagée a pour mission de constituer une commission chargée de l’accompagnement des victimes d’abus sexuels dans l’Église. Marie Derain de Vaucresson était l'invitée de la matinale RCF.
Cette nouvelle instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation est la première des mesures prises par les évêques à l’issue de leur assemblée plénière consacrée à la lutte contre la pédocriminalité dans l’Eglise. Mgr Éric de Moulins Beaufort, le président de la CEF, affirme : "Nous avons franchi un pas décisif en reconnaissant la responsabilité institutionnelle de l'Église, un système ecclésiastique qui n'a pas su voir, faire attention et accompagner les victimes. D'où la nécessité de la réparation.". Une étape fondamentale pour Marie Derain de Vaucresson qui explique que "c’était essentiel pour accepter de rendre ce service dans l’esprit d’une justice réparatrice, restauratrice… cet acte de reconnaissance était absolument nécessaire."
Le travail de l’INIRR commence dès maintenant. Marie Derain de Vaucresson va prendre modèle sur la CIASE pour constituer son équipe. "J’ai une carte blanche, c’est précieux et vertigineux. Tout reste à faire. On a besoin de compétences spécifiques. Je vais constituer une commission qui sera composée de juristes, de médecins, de soignants au sens large qui connaissent ces questions qui connaissent le psycho trauma qui connaissent l’enfance. Des personnes mobilisées dans la compréhension de ce qui s’est passé dans l’enfance et des traces que cela laissent dans la vie d’adulte. C’est toute la question de l’empêchement d’être qui est évoqué dans le rapport de la CIASE et qui peut être un empêchement durable. Un point d’attention essentiel pour moi est d’associer les victimes parce qu’elles ont un savoir expérientiel qui donne des compétences spécifiques. Les victimes seront donc mobilisées à égalité avec les membres de la commission."
Les évêques promettent que toutes les victimes seront considérées et prises en compte par l’IFIRR. Pour Marie Derain de Vaucresson "l’enjeu est de ne laisser aucune victime de côté en particulier toutes celles qui ne pourront pas être prises en compte par la justice civile qui de ce fait n’obtiendront aucune réparation de la part de la justice. Toutes ces victimes seront presque prioritaires car elles n’auront pas d’autres lieux d’accueil pour une démarche de réparation. La prescription ne sera pas une limite.". Le travail s’annonce gigantesque puisque la CIASE a recensé 330 000 victimes d’abus sexuels dans l’Eglise. Pour la président de l’IFIRR, "la question de la vraisemblance des faits est évidemment une question importante. On est obligé de vérifier cette dimension là parce qu'évidemment dès que de l’argent est proposé il peut y avoir de l’escroquerie. Mais le risque c’est surtout d’oublier des victimes. On aura donc une démarche de validation et de vérification dans le plus grand respect des victimes."
Reconnaître et réparer, comment ? Comment chiffrer le préjudice d’une victime d’un abus sexuel, qui plus est quand il contient une dimension spirituelle ? Marie Derain de Vaucresson explique : "L’esprit de la justice restauratrice c’est la prise en compte de la victime, de placer la victime au cœur de la démarche. C’est avec elle qu’on construit la réponse avec ses attentes avec ses besoins dans un dialogue et du temps. Les victimes disent que pour revenir en relation avec l’Eglise avec un évêque, pour se signaler elles mettent beaucoup de temps. Il y a toute cette question du temps de l’accompagnement, de l’expression des besoins et des attentes. Mais on n’est pas sur la démarche de la justice et du prix de la douleur. On est sur l’accompagnement de la réparation et le prix de la réparation. On ne fait jamais suffisamment pour les victimes. C’est pour cela que la notion de réparation est si importante et c’est pourquoi on s’aperçoit dans cette démarche de réparation que pour un certain nombre de victimes, la question n’est pas l’argent c’est vraiment la démarche de reconnaissance."
C’est pour cela que l’IFIRR veut individualiser la réparation. Marie Derain de Vaucresson veut relier le travail de la commission à une démarche mémorielle pour que des attentes puissent être exprimées à destination des évêques, des diocèses. "Je crois qu’il faudra qu’on imagine pratiquement à chaque situation un type de réponse. En tout cas, il faut qu’on parte dans cet état d’esprit là pour être véritablement dans une dynamique de réparation. Et permettre aux victimes d’être actrices de leur propre réparation avec le soutien et l’accompagnement que pourra apporter la commission."
Pour Marie Derain de Vaucresson, ce nouvel engagement pour l’accompagnement des victimes d’abus sexuels dans l’Église, "c’est forcément une démarche de foi parce que pour accepter quelque chose d’aussi grand qui sera aussi très exigeant, il faut forcément y croire. Ça fait plus de 20 ans que professionnellement je vois les dégâts, les conséquences des violences sexuelles vécues dans l’enfance. Je ne pouvais pas rester indifférente en particulier quand ça se passe dans une maison comme l’Eglise qui par nature devrait être protectrice et bienveillante."
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