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Milice Wagner : la Russie a-t-elle perdu le monopole de la violence légitime ?

Milice Wagner : la Russie a-t-elle perdu le monopole de la violence légitime ?

Un article rédigé par Baptiste Madinier - RCF, le 30 juin 2023  -  Modifié le 18 mars 2024
Le dossier de la rédaction Milice Wagner : la Russie a-t-elle perdu le monopole de la violence légitime ?

La Russie est-elle allée trop loin dans la paramilitarisation ? La question se pose après la tentative de coup de force d’Evgueni Prigojine et sa milice Wagner. Comme le reste du monde, le Kremlin a développé les Sociétés militaires privées (SMP) pour répondre à l’affaiblissement de son armée à la fin de la guerre froide. Seulement, Moscou semble être allé trop loin dans l’utilisation des mercenaires, en leurs confiant des missions aussi régaliennes que la lutte armée. 

Publicité pour le recrutement de la milice Wagner / ©Alexander Davronov by Wikimedia Commons Publicité pour le recrutement de la milice Wagner / ©Alexander Davronov by Wikimedia Commons

Un semblant de calme semble revenu au Kremlin une semaine après le coup de force avorté des mercenaires de la milice Wagner, le samedi 24 juin. Leur chef, Evgueni Prigojine a gagné la Biélorussie avec certains de ses mutins fidèles, une autre partie des miliciens doit être intégrée à l’armée russe. Pourtant, cette tentative de déstabilisation va laisser des traces, beaucoup de questions et quelques enseignements.

 

Force et stabilité du Kremlin

 

Les plus évidents sont les faiblesses de l’armée russe, déjà largement mises en avant depuis le début du conflit en Ukraine. Wagner était présent sur le terrain pour pallier les insuffisances des forces du Kremlin. La milice a ainsi gagné en importance et en confiance au point de devenir très critique envers le commandement russe et son ministre de la Défense Sergueï Choïgou. Face à des mois de provocation de la part d’Evgueni Prigojine, la non-réaction de Vladimir Poutine fait aujourd’hui couler de l’encre, pose des questions sur la force réelle d’État central et écorne en tout cas son image de garant de la stabilité.

 

Comment la Russie est-elle arrivée là ? Moscou n’a pourtant pas le monopole du recours aux Sociétés militaires privées (SMP). Face à l'affaiblissement global des armées après la Guerre froide, ce sont d’ailleurs les États-Unis qui ont ouvert la voie avec Blackwater.

 

D’abord, les SMP ont permis au Kremlin de garder une logique d’influence dans un espace post-soviétique qui s’ouvrait doucement à l’Occident. Ensuite, sous l’ère Poutine, les milices se sont développées dans les années 2000 en répondant à différents ressorts. Une manière pour les oligarques de se rapprocher du pouvoir, de gagner en quelque sorte les faveurs d’entrer à la Cour du Tsar.

 

Pour aller plus loin, écoutez le dossier de la rédaction : 

Le dossier de la rédaction Milice Wagner : la Russie a-t-elle perdu le monopole de la violence légitime ?

“Light foot print strategy”

 

Pour les autorités, ces mercenaires répondent à un objectif : le développement de la “Light foot print strategy”. “Une politique avec le plus bas niveau d’empreinte” traduit le géopolitologue Peer de Jong. Une manière d’intervenir discrètement dans certains pays sans afficher la bannière nationale et de mener des opérations sans avoir à assumer des pertes importantes dans son armée. Wagner a joué ce rôle en Syrie, en Afrique (Centrafrique, Soudan, Mali) et puis dans le Donbass depuis 2014.

 

Enjeux régaliens

 

Le problème reste que la Russie semble être allée trop loin dans les pouvoirs confiés à Wagner. Jamais les SMP n’ont été utilisées pour faire la guerre directement. “Aucune n’a une fonction régalienne” assure Peer de Jong. En plaçant Prigojine en première ligne en Ukraine et en Syrie, Moscou semble avoir accéléré la dilution de son monopole de la violence légitime, participant ainsi à son propre affaiblissement. 

 

Avec :

  • Thomas Da Silva, doctorant à l'université Paris-Nanterre sur les combattants irréguliers de l’espace post-soviétique 
  • Colonel Peer de Jong, ancien chef de corps dans la marine, vice-président de l’institut Themiis et auteur de Agir entre les lignes (ed. Mareuil Éditions / 2023) 
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Le dossier de la rédaction © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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