Une nouvelle période de mobilisation agricole s'est ouverte depuis dimanche 17 novembre. A l'appel de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, les deux syndicats agricoles majoritaires, des mouvements de protestation face à l'accord européen de libre-échange avec le MERCOSUR ont éclaté partout en France. Invité Région de cette semaine, Jean-Philippe Champagne, secrétaire général de la FNSEA, fait le point.
Serait-ce le début d'une nouvelle grande mobilisation des agriculteurs ? Moins d'un an après des blocages et des manifestations agricoles de grande ampleur sur tout le territoire, les agriculteurs repartent sur les routes et les ronds-points. En cause, l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, le marché commun sud-américain composé du Brésil, de l'Argentine, de l'Uruguay, du Paraguay et de la Bolivie.
Depuis 20 ans, l'Union européenne s'efforce en effet de ratifier un accord de libre-échange pour importer des denrées alimentaires d'Amérique du Sud, contre des machines ou des produits pharmaceutiques dans le sens inverse. Un partenariat qui entraînerait la fin d'une majorité des droits de douane dans ces deux zones et qui est perçue par les agriculteurs comme une concurrence déloyale.
Secrétaire général de la FNSEA de Charente-Maritime, Jean-Philippe Champagne l'affirme : "on est viscéralement contre" ce traité. Face à des exploitations plus grandes ou au droit du travail différent, l'agriculteur céréalier en est convaincu : "on ne sera jamais compétitifs, on ne pourra pas rivaliser". Surtout, il estime que ce traité représente une réelle "boîte de Pandore" : "une fois qu'on aura commencé à importer de la viande d'Amérique du Sud, qui sera beaucoup moins chère, cela va venir à pleins wagons".
Outre cette concurrence jugée déloyale, pour les éleveurs comme pour les céréaliers, Jean-Philippe Champagne dénonce également les différences de normes environnementales ou sanitaires à respecter entre la France et les pays du Mercosur : "on nous parle de souveraineté alimentaire et de santé des consommateurs alors qu'on est en train de vouloir importer des produits qui ne respectent pas nos normes".
D'ici à vouloir supprimer ces dernières en France, il n'y a qu'un pas, que le secrétaire général de la FNSEA 17 n'hésite pas à franchir : "il va falloir au bout d'un moment qu'on arrête avec toutes ces normes et qu'on parle de simplification". Et l'agriculteur d'affirmer que du fait de la multiplication des réglementations, "le jour où on a un contrôle, on est à peu près sûrs qu'il y ait une norme où on ne soit pas bons, parce qu'on ne les connaît pas toutes".
Conséquence de ce mécontentement national, plusieurs actions sont prévues en Charente-Maritime. Elles ont débuté lundi 18 novembre, avec plusieurs "feux de la colère" répartis sur quatre ronds-points du département, le bâchage de panneaux de communes et l'affichage de banderoles. "Cela va continuer tout au long de la semaine, suivant ce que le gouvernement va annoncer", explique Jean-Philippe Champagne, alors que des actions similaires ont lieu dans toute la France.
Des manifestations d'ampleur nationale, donc, mais seront-elles suffisantes pour faire pression sur l'Union européenne ? Car c'est bien au niveau européen que la décision finale sera prise, malgré l'opposition affirmée de la classe politique française toute entière. La partie strictement commerciale du traité peut en effet être entérinée par un vote du Conseil européen à la majorité qualifiée, soit 15 votes positifs sur 27, à la condition que ces 15 votants représentent 65% de la population de l'UE.
Avec le mouvement des agriculteurs en France, Jean-Philippe Champagne espère donc "faire bloc" avec d'autres pays opposés au traité. Et il entend bien mettre la pression sur Emmanuel Macron, en déplacement en Amérique du Sud :"on veut qu'il rencontre d'autres pays et qu'il les convainque, on n'est pas les seuls à s'opposer à ce traité".
Pas question donc de relâcher la pression, malgré les déclarations de l'exécutif : Michel Barnier a ainsi affirmé dimanche que l’accord ne devrait pas “être signé dans la précipitation”, tandis que le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a déclaré que l’exécutif était “mobilisé sur tous les fronts”. Pour Jean-Philippe Champagne, il faut impérativement "ne pas signer" ce traité et "le revoir" :"si c'est pour nous ressortir le même truc l'année prochaine, cela ne sert à rien".
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