LA CHRONIQUE DE MARIE-HELENE LAFAGE - Ce dimanche s’est achevé le Salon de l’Agriculture à Paris, avec une édition 2024 très mouvementée. Un sujet en particulier était sur la table : le traité de libre-échange avec le Mercosur.
En réalité, ce traité de libre-échange entre l’Europe et l’Amérique latine (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) a été initié il y a déjà 25 ans. Un accord a été trouvé sur le contenu en 2019. Il doit maintenant être ratifié par les États pour entrer en vigueur.
La finalité générale des accords de libre-échange, c’est de faciliter les échanges commerciaux mondiaux en faisant sauter les droits de douane. On négocie pour obtenir un accord de concession réciproque. Dans le cas du Mercosur, l’Europe dit : tu me donnes plus de viande, de sucre, d’éthanol, moi je te donne plus de vins, de produits laitiers et d’épicerie, d’automobiles, de produits chimiques et pharmaceutiques.
Selon les pays européens, les avantages en matière d’exportation et les inconvénients sur les importations sont donc variables. En France, ce qui inquiète les agriculteurs, c’est les 300 000 tonnes de viande bovine, porcine et de volaille qui pourront arriver chaque année d’Amérique latine, avec des standards sanitaires et environnementaux inférieurs, des salaires et des prix plus faibles, ce qui crée une concurrence déloyale. Une menace de plus dans un contexte déjà difficile.
On comprend bien pourquoi certains pays gagnants comme l’Allemagne avec son industrie, l’Espagne avec son huile d’olive ou l’Italie et ses produits d’épicerie soutiennent le traité. La France, pays d’élevage, en proie à la colère des agriculteurs, s’y oppose en l’état, aux côtés des Pays Bas, de l’Autriche, de l’Irlande. Au fond, ces traités de libre échange reposent sur la conviction que plus d’échanges feront plus de croissance, que plus de concurrence fera des prix plus bas. Sauf qu’au passage, on affaiblit nos filières d’élevage pour vendre plus de yaourts et d’automobiles.
C’est discutable côté économie, et plus encore côté écologie : on augmente le transport et les gaz à effet de serre, on soutient une agriculture intensive responsable de la déforestation en Amérique latine, on vend toujours plus de véhicules thermiques, on accepte d’importer de la viande nourrie aux antibiotiques, des produits brésiliens pour lesquels 30% des pesticides utilisés sont interdits en Europe… Ces traités, c’est une vraie question d’écologie intégrale avec des impacts sociaux, économiques, sur la santé, l’environnement, le climat…
L’accord n’est pas remis en question en tant que tel. La France n’a pas demandé à revoir le mandat de négociation donné à l’UE mais souhaite des aménagements. L’objectif est aussi de temporiser à l’approche des élections européennes. Enfin, le gouvernement a repris à son compte la demande des agriculteurs de mettre des « clauses miroir » : une obligation de réciprocité des normes pour les produits d’importation vis-à-vis des produits européens.
Mais on ne sait pas, concrètement comment ça va se traduire. Surtout, le problème, c’est que la politique de libre-échange n’est pas remise en question. Ni du côté d’Emmanuel Macron qui avait soutenu le CETA avec le Canada, ni du côté du Parlement Européen qui a voté récemment deux accords avec le Chili et le Kenya. On continue à défendre un modèle agricole productiviste, fortement basé sur l’exportation.
Or, changer de politique, c’est changer de modèle : défendre des « mesures miroir » certes, mais aussi reconstruire des filières locales, accompagner l’évolution des choix de consommation… Car dans un monde toujours plus productiviste, aux antipodes des circuits courts, l’écologie sera toujours le dindon de la farce.
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