À deux mois du coup d’envoi du Mondial 2022 au Qatar, l’événement le plus médiatique de la planète, des voix s’élèvent dans le monde sportif, culturel, politique ou médiatique pour boycotter la prochaine Coupe du monde de football.
Le 5 septembre dernier, sur France 5, le comédien Vincent Lindon a mis les pieds dans le plat dénonçant une compétition selon lui "répugnante". Le 13 septembre, Éric Cantona, ancien footballeur emblématique, dont on connait la franchise, s’est, lui, fendu d’un communiqué fleuri. L’ex n°7 de Manchester United explique que ça lui "brise le cœur mais qu’il ne regardera aucun match... Le seul sens de cet événement, on le sait tous, c’est le pognon." Dans certains départements, comme le Gard, des élus locaux appellent au boycott avec des pétitions en ligne. Youth for Climate France a de son côté lancé une campagne intitulée : "Carton rouge pour le Qatar".
Le 12 septembre, Le Quotidien de la Réunion a fait sa une en annonçant la couleur : titrant "Sans nous" sur fond de stade vide. C’est du jamais-vu pour un média français. La décision a été prise en interne après une longue réflexion explique Kevin Bulard directeur du pôle éditorial du quotidien de la Réunion : "Est-ce qu’on pouvait rester assis à célébrer des victoires, quand on sait que dans ces stades là il y a eu des milliers de morts pour les construire ? Qu’ils sont climatisés à ciel ouvert? On s’est dit que c’était une hérésie environnementale, une atteinte intolérable aux droits de l’homme, des travailleurs et des minorité. On s’est rendu compte que finalement ce n’était pas possible de la couvrir." Kevin Bulard ajoute que cette décision "peut couter au journal en terme de vente ou de publicité". Il précise aussi "qu’il ne s’agit pas de donner des leçons aux autres et que le journal reçoit de nombreux soutiens des lecteurs".
Le point commun à toutes ces prises de positions, ce sont bien les questions du climat et des droits humains. L’attribution, en 2010, de la Coupe du monde au richissime émirat du Golfe a été dès le début controversée. Sportivement, la tenue en hiver du Mondial, dans une nation d’à peine 3 millions d’habitants, pas vraiment portés sur le ballon rond, a irrité les amateurs. Il y a aussi les soupçons de corruption, puis très vite s’est ajouté la question environnementale et surtout les ouvriers morts sur les chantiers stades, peut-être 6500 selon le journal britannique The Guardian. Des ouvriers immigrés principalement venus d’Asie du Sud-Est et d’Afrique.
Pourtant de nombreuses ONG de défense des droits de l’homme n’appellent pas au boycott. C’est le cas d’Amnesty International, qui a publié une dizaine de rapports sur le Mondial au Qatar. Explications de Sabine Gagnier, responsable du programme justice de genre et non-discrimination au sein de l’organisation : "Nous voulons au contraire saisir l’opportunité de cet événement mondial pour attirer l’attention du monde entier sur ce qui se passe au Qatar depuis 10 ans. Cela fait des années que nous alertons. Nous avons mené des enquêtes sur le terrain, rencontré des ouvriers migrants. Nous avons interpellé les autorités du Qatar, la FIFA, nos fédérations nationales pour qu’ils améliorent les conditions. Pour que ça change. Nous avons bon espoir qu’entre maintenant et le début du Mondial, il y ait des prises de positions fortes."
Amnesty International espère donc obtenir des avancées pour les ouvriers. L’ONG plaide pour un fonds de la FIFA de plus de 400 millions de dollars pour indemniser ses travailleurs migrants. Jeudi, elle a publié un sondage auprès de 15.000 personnes dans 15 pays à 73% favorable à cette mesure.
Par rapport à d’autres évènement sportifs controversés, comme les Jeux Olympique de Pékin 2008 et 2022, on semble un cran au-dessus dans l’indignation. Il y a une prise de conscience du public par rapport aux enjeux climatique et humains de ce Mondial vraiment pas comme les autres.
Mais Jean-Baptiste Guégan, consultant en géopolitique du sport, auteur de Géopolitique du sport une autre explication du monde, estime « qu'il y a de l’opportunisme chez certains, dans leurs sorties médiatiques.» Selon lui, ces appels aux boycott auront peu d’effet sur le suivi de l’évènement : «les réflexes des supporters prendront le relais dès le 20 novembre. Surtout si les résultats sportifs sont au rendez-vous. » Les critiques sur la coupe du Monde 2018 en Russie dirigée par Vladimir Poutine avaient par exemple, été rapidement effacées par la victoire de l’équipe de France.
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