Pour Myriam Benraad, géopolitologue, auteur de "géopolitique de la colère" (éd. Cavalier Bleu) la colère est consubstantielle à la géopolitique. "J'essaie d'historiciser cette émotion. La colère est omniprésente. Si l'on revient sur l'histoire de cette émotion, elle n'est pas vécue de la même manière par les anciens, qu'elle l'est par les modernes et nos contemporains. Il y a une massification de la colère avec les Lumières et les révolutions industrielles. Ce qu'on vit aujourd'hui, c'est une prolongation des promesses non-tenues de la modernité" explique-t-elle au micro de RCF.
Pour cette chercheuse, la crise sanitaire que l'on vit actuellement va accroître cette colère. "L'urgence sanitaire émerge alors qu'en France par exemple, on est en pleine mobilisation sociale contre la réforme des retraites, et d'autres. Ailleurs dans le monde, il y a des explosions de colère : Chili, Bolivie, Venezuela. Il y a une question sociale non-résolue depuis deux décennies. Il en va de même dans le monde arabe où l'on a tiré des conclusions un peu trop tôt sur le printemps arabe. La crise sanitaire va aggraver les répercussions sociales, alors qu'il y a un rebond des contaminations" ajoute-t-elle.
Face à cela, il n'y a pas de schéma clair de dialogue avec les gouvernements. "Il n'y a pas d'empathie face à la demande sociale qui est évoquée. Dans le pire des cas, il y a eu des répressions violentes, comme en Irak, ou au Chili. En France, les Gilets jaunes ont mené une confrontation ouverte avec les forces de l'ordre et le gouvernement. On a aussi instrumentalisé la colère dans des stratégies politiciennes, diplomatiques. C'est devenu le style des populismes. La colère est aussi un instrument aux mains des chefs d'Etat" lance la géopolitologue.
"Quand on parle de globalisation, qui est devenu un mot valise, cela va de paire avec l'idée du bonheur, de la félicité, de l'accomplissement de soi. On avait promis au peuple la fin du nivellement. En réalité, l'histoire n'est pas finie. Elle est devenue extrêmement violente. Il y a vraiment une accélération des colères à travers le monde dans un contexte de grande précarité lié au coronavirus, ce qui pose le décor pour la suite" conclut Myriam Benraad.
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