Ce que résume bien cette citation : "Un jour viendra où vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure et vous constituerez la fraternité européenne". Une citation que nous ne devons pas à une récente tête de liste, mais à Victor Hugo, au congrès de la Paix à Paris, en 1848.
Le livre de Laurent Gaudé est de la même veine. Dans une sorte de long poème qu’on voudrait déclamer, il raconte l’Europe meurtrie pendant tant d’années, il retrace les conflits et les impasses du continent depuis le surgissement des nations, au XIXe siècle, et aussi l’aspiration profonde à la paix, la fraternité, que souhaitait déjà Victor Hugo. "Ceux qui, comme moi, croient en cette aventure, seront coupables s’ils ont laissés place à la parole du contre", écrit le romancier attaché à "ce grand mouvement de fond qui, depuis plus de cinquante ans, bâtit un pays plus grand que nos vingt-sept nations".
C’est vrai, mais avec un vrai souffle littéraire : Laurent Gaudé qui nous a habitué à de grandes fresques avec Le Soleil des Scorta – Prix Goncourt 2004 - ou Le roi Tsongor. Ce nouveau livre est un livre d’histoire, une évocation des défis traversés depuis l’industrialisation – "L’Europe a les ongles noirs et les joues rouges, la course commence, elle ne va pas cesser de s’accélérer". Il pointe les erreurs, les douleurs, les deux guerres mondiales, le nazisme, le communisme : "La fièvre est là, l’Europe a les yeux cernés", et encore : "sur cette terre d’Europe, l’optimisme a été tué et cela fait de nous des héritiers de l’angoisse". Oui, mais voilà : au détour d’un chapitre et de cette histoire douloureuse, se sont levés les pères de l’Europe, ces hommes qui ont voulu la paix : "il ne faut plus châtier l’ennemi, il faut s’allier avec lui, il ne faut pas prendre le dessus sur l’Allemagne, il faut unir son destin au nôtre". L’Europe est née.
Voilà le vœu de Laurent Gaudé : au concert des nations, il faut ajouter le banquet des peuples : "Faire revenir les peuples au cœur de l’Europe, inviter l’utopie et la colère, car rien jamais ne s’est fait sans eux (…) L’Europe mourra si elle se tient éloignée de la passion". Une Europe de l’utopie, de la fraternité, de l’audace et du chahut aussi, selon l’écrivain. L’Europe de la littérature existe, et elle rêve d’un grand banquet des peuples !
"Nous, l’Europe, banquet des peuples", de Laurent Gaudé, paru chez Actes Sud.
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