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Pourquoi est-ce si difficile de partager le pouvoir ?

Un article rédigé par Madeleine VATEL - RCF, le 16 septembre 2024 - Modifié le 16 septembre 2024
Je pense donc j'agisPolitique : pourquoi est-il si difficile de partager le pouvoir ?

Après des mois d'attente, Emmanuel Macron a enfin nommé son premier ministre. Or bien qu’inscrit dans la Constitution, le partage du pouvoir n’a décidemment rien d’évident. Retour sur l’un des ressorts de la démocratie.  

Une émission présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand

©Max Avans©Max Avans

Après avoir attendu plusieurs semaines la nomination d’un premier ministre, les Français se montrent désormais impatients de connaître la nomination d’un nouveau gouvernement. Pourquoi est-ce si difficile de choisir, qu’est-ce qui entre en jeu à ce niveau de pouvoir ? « En France, peut-être qu'on n'aime pas beaucoup partager le pouvoir… » relève Christophe Chabrot, maître de conférence de droit public à la faculté de droit de l'université Lumière Lyon 2, spécialiste de droit constitutionnel. Le chercheur s’appuie sur la situation des républiques précédentes, instables, avec une assemblée divisée entre plusieurs partis qui n'avaient pas de majorité à eux seuls. 


« les électeurs ont intériorisé la personnification du pouvoir »


Ce manque de majorité absolue impliquait des coalitions. « Le paradoxe c’est que la constitution de 1958 a justement été pensée pour permettre à un gouvernement de…gouverner malgré tout. Et c'est d'ailleurs ce qui s'était produit depuis 2022. Le gouvernement Elizabeth Borne a pu gouverner, a pu même faire passer des retraites fortes ». 


Paradoxe : une constitution qui permet justement de ne pas rester bloqué


Le chercheur Christophe Chabrot n’hésite pas à faire le parallèle avec un retour au régime de 1830, synonyme d’un exécutif fort, avec le roi, et petit à petit un parlement et un premier ministre, dans une sorte d'équilibre des pouvoirs, dualiste. Le premier ministre est responsable à la fois devant le chef de l'état et devant son assemblée nationale qui le soutient. « Le régime actuel est bien un régime parlementaire, mais…les électeurs ou spectateurs du jeu politique ont intériorisé la règle de la personnification du pouvoir. Mais on aime bien avoir un chef... à la fois pour l'aduler et à la fois pour le brûler à la fin du carnaval » souligne Christophe Chabrot. 


Vu d’Allemagne : un pouvoir charismatique...au risque d’oublier le fonctionnement en équipe 


Il n’en reste pas moins que le président Emmanuel Macron donne l’impression d’une hyper-présidence, doté d’une personnalité très forte. « Vu de Berlin, c’est un chef de l’Etat ‘jupitérien’, qui séduit les Allemands, il est charismatique, il tient des grands discours qui sont très commentés en Allemagne, comme par exemple celui de la Sorbonne, remarque Jacob Ross, chargé de recherche sur les relations franco-allemandes au sein de l'Institut Allemand de Politique Étrangère. Cela contraste avec la chancellerie, ou le parlement allemand – le Bundestag - où les hommes politiques fonctionnent en équipe. Ces personnalités sont arrivés à la tête de leur parti et au pouvoir parce qu'ils sont de bons négociateurs, des personnalités qui savent forger des compromis. Donc il y a une certaine fascination pour cette figure présidentielle française en Allemagne »

Vu de Suisse : un pouvoir personnel...bien loin du système collégial 


En Suisse, le chef de l'État alterne tous les ans. La Confédération a une longue tradition d'un pouvoir partagé collégialement. Le pouvoir exécutif, c'est un collège, un collège conseillé. La présidence n’est pas un titre purement honorifique, c’est aussi une présidence fonctionnelle. Pendant une année, le président dirige les séances, prépare les dossiers. Et les sept conseillers se répartissent le pouvoir. « Le système suisse me semble intéressant parce que finalement, l'idée fondamentale de la démocratie, c'est que le pouvoir est partagé, il est toujours à partager. Et cette notion de partage, elle est déjà inscrite dans les lois de Montesquieu : il y a le pouvoir exécutif, législatif, et social. Donc la notion de partage me semble essentielle et en ce temps je suis un défenseur assez convaincu du système collégial » note Pierre Bühler, théologien, protestant. Il évoque ensuite l’ouvrage du philosophe Claude Lefort, « l'invention démocratique ». Selon lui, le pouvoir devrait toujours être un lieu vide…Jamais investi par une seule personne, au risque de dériver en système totalitaire. Ces dominations trouvent un terrain privilégié dans les sociétés démantelées, où sont perdues les notions de droit, d’association. 

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