La dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin a pris de court les hommes et femmes politiques mais aussi les électeurs, qui se retrouvent dans l’indécision la plus totale pour choisir un candidat à soutenir. En conséquence, nombreuses sont les personnes qui comptent voter blanc. Comment considérer ces votes ? Que nous disent-ils de notre société et de notre démocratie ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand.
Après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République le dimanche 9 juin, les débats s’enchaînent dans la sphère politique, et les alliances se multiplient des deux côtés de la balance, aux approches des législatives prochaines qui démarreront le dimanche 30 juin.
Mais au cœur de ce débat, les électeurs, que les politiques doivent réussir à reconquérir pour s’assurer une majorité à l’Assemblée nationale à partir de cet été. Mais nombreux sont ceux qui se disent mécontents de la situation politique actuelle. Le programme des candidats est trop à droite, ou trop à gauche, ou pas assez progressiste, pas assez conservateur, etc. Bref au moment de voter, rien ne convient. Certains se disent "autant voter blanc", c’est donc une enveloppe vide. Ou alors "autant voter nul", un bulletin raturé, dessiné, déchiré.
Est-ce que cela fragilise la démocratie ? Quel est le message derrière ce vote ?
“Le vote blanc est avant tout un geste de courage et de contestation”. Jocelyne, fidèle auditrice de RCF, voit avant tout ce vote comme un message à transmettre. Pourtant, il est beaucoup plus complexe qu’il n'y paraît selon Bernard Bourdin, dominicain, auteur du livre Le chrétien peut-il aussi être citoyen (Ed. du Cerf) et professeur titulaire de philosophie politique à l’Institut Catholique de Paris : "Très dur à définir, le vote blanc se démarque ces dernières années par sa généralisation, en servant aux citoyens pour exprimer leur sentiment de désaffiliation de la vie politique française".
Plus encore, il illustre chez les votants une incompréhension du but des politiques qui se présentent, selon Giulio De Ligio, philosophe politique et maître de conférence à l’Université Catholique de l'Ouest à Angers : "Très présent dans les urnes, le vote blanc reflète le fait que les politiques ne répondent pas aux problèmes que rencontrent les électeurs”. Malgré tout, il subsiste dans la politique pour une raison simple selon Gaël Brustier, essayiste politologue et auteur du livre Les analphabètes au pouvoir (Ed. du Cerf) : “C’est un appel à la cohérence, il est la conséquence de l'absence d’intellectuels pour expliquer la situation politique au peuple qui est perdu à ce propos."
Le vote blanc se démarque ces dernières années par sa généralisation.
Derrière la hausse ces dernières années de votes blancs, la montée en popularité des extrêmes dans la politique française : "Là où les autres politiques font des propositions complexes au gouvernement, les extrêmes se démarquent par leur approche populiste, avec des propositions simples à comprendre qui répondent aux besoins des électeurs", explique Bernard Bourdin. C’est pour cette raison que le vote blanc est aussi perçu par beaucoup comme étant "un vote de précaution démocratique" selon Gaël Brustier : "Les électeurs font le choix de voter blanc car aucun des programmes ne leur plaît, et ils préfèrent ne pas prendre le risque de soutenir un parti dont les idéologies ne coïncident pas avec les leurs".
Le vote blanc, un vote de précaution démocratique.
"C’est aussi un compromis car il permet aux électeurs de ne pas s’engager dans un soutien pour un parti qui finit par ne pas respecter ses engagements", ajoute Bernard Bourdin. Il précise aussi que ces votants ne veulent pas que leur choix ne devienne un simple "vote par défaut" : "Ces personnes voient le vote blanc comme un moyen de montrer qu’aucun parti ne leur plaît". Un vote contestataire que Giulio De Ligio perçoit comme un acte de sincérité : "il témoigne de la volonté des votants de recentrer le débat public autour de vrais problèmes que rencontrent le peuple.”
Un vote dont l’utilité est contestée par beaucoup devrait-il être comptabilisé ? Selon Jean-Jacques, auditeur de RCF, la réponse est simple : "Il faut le comptabiliser !". Une opinion que partage Bernard Bourdin : "Comptabiliser ce vote blanc n’est pas un problème, cela pourrait permettre aux politiques en place de se remettre en question si ces votes blancs sont nombreux". Gaël Brustier voit aussi dans ce vote une opportunité : "Il ne fragilise pas vraiment la démocratie. Il s’agit avant tout d’un vote illustrant la non-prise en compte des citoyens dans le jeu politique. Il témoigne en montrant que les politiques qui se présentent ne proposent aucunes solutions concrètes aux attentes des citoyens".
Petit à petit, le peuple se voit destitué de son rôle dans la politique du pays.
Ce vote monte en popularité depuis que les extrêmes se banalisent : "Petit à petit, le peuple se voit destitué de son rôle dans la politique du pays, c’est pour cette raison que le populisme se développe", souligne Bernard Bourdin. Il ajoute que la démocratie aujourd’hui ne s’axe plus autour des volontés collectives : “Elle s’est érodée. Elle est devenue aujourd’hui une démocratie des droits individuels et non plus des volontés collectives. Pour résoudre ce problème, il faudrait articuler la politique autour de ces volontés, et pour le faire comprendre aux politiques, comptabiliser le vote blanc serait un bon début”.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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