Arras
Depuis la semaine dernière, le profil de l’assaillant ayant tué le professeur Dominique Bernard dans un collège-lycée d’Arras pose question. De nombreuses voix politiques, et plus particulièrement issues du Rassemblement National, s’interrogent sur le fait que l’individu soit resté sur le territoire français alors que sa famille était visée par une procédure d’expulsion en 2014. Des questions qui trouvent leur réponse dans le droit français et international, et qui seront éclaircies au cours de la mise en examen et la détention provisoire requise par le parquet antiterroriste à son encontre, ainsi que pour son frère de 16 ans et pour son cousin.
Y a-t-il eu « des failles dans toute la chaîne de responsabilité » comme le dénonce Jordan Bardella, le président du Rassemblement national ? Pas vraiment, d’après les spécialistes du droit. « Le mot expulsable a un double sens. Dans le sens générique, ça veut dire qu’il ne pouvait pas faire l’objet d’une mesure d’éloignement ; dans le droit, c’est plus complexe, il y a plusieurs mesures d’éloignement », rappelle Serge Slama, professeur de droit public à l'université Grenoble Alpes. En effet, seules les personnes en situation irrégulière peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). En revanche, des mesures d’expulsion peuvent également s’appliquer pour les personnes qui troublent l’ordre public, qu’elles aient des papiers ou non.
Dans le cas de l’assaillant Mohammed M, il était inexpulsable pour plusieurs raisons. D’abord, il ne pouvait pas l’objet d’une OQTF car il était arrivé en France avant ses 13 ans ; et il ne pouvait pas non plus faire l’objet d’un arrêté d’expulsion car il aurait fallu pour cela prouver qu’il ait commis des faits graves comme porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat ou avoir des activités terroristes. « Or il n’est pas apparu avec ce degré de gravité dans ces agissements. Ce n’est que la semaine dernière qu’il y a eu une prise de conscience de la radicalisation et du risque de passage à l’acte », rappelle Serge Slama.
Quant à la situation de sa famille, sur le point d’être renvoyée en Russie en 2014, leur expulsion avait été annulée in extremis, sur les bases de la circulaire Valls de 2012. Celle-ci stipule que le préfet doit faire preuve de souplesse face à une demande de régularisation d’un étranger, notamment dans les cas où les enfants sont scolarisés de manière stable. Ce qui était alors le cas pour cette famille, dont les enfants étaient scolarisés du CP ou du CE1 à la sixième.
D’aucuns s’étonnent également que son fichage S n’ait pas donné lieu à une expulsion. « Il faut bien concevoir que ces fichiers servent […] juste à signaler qu’une personne est susceptible d’être dangereuse et qu’il faut la surveiller. Ils n’ont pas d’autres fonctions, ils ne servent pas en matière d’infractions ou autres », rappelle Serge Slama. Le professeur de droit qui ajoute que les personnes fiché S ne sont pas toutes des personnes radicalisées islamiques (a contrario du fichier FSPRT) et qu’elles ne représentent pas toutes un « danger immédiat et véritable qui justifierait des mesures judiciaires ou des mesures d’éloignement ». Pour justifier de telles mesures, il faudrait encore une fois prouver qu’il y a une menace grave et imminente.
Des règles qui pourraient être amener à évoluer après la demande faite par Gérald Darmanin pour « l’expulsion systématique de tout étranger considéré comme dangereux ».
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