Sa victoire était jouée d’avance. L’homme fort de la Russie rempile pour un quatrième mandat à la tête du pays dès le premier tour en obtenant plus de 76 % des suffrages. Malgré les critiques nombreuses dont il fait l’objet, plus ou moins étouffées dans son pays, formulées sans filtres parfois jusqu’à la caricature à l’étranger, Poutine devrait rester aux commandes de la Russie jusqu’en 2024.
Si on croit ce vote, la population lui reste fidèle et le croit en mesure de renforcer la Russie sur le plan économique et de continuer à affirmer sa puissance diplomatique sur le plan international. Pourtant, si on laisse de côté les chiffres, n’assiste-t-on pas à une fragilisation du pouvoir ?
Si l’opposition a pu jusqu’à présent être contenue, ne va-t-elle pas trouver un moyen de surfer sur les moins bons résultats économiques du pays pour renverser l’opinion ? Quant à la posture de la Russie à l’étranger, n’est-elle pas en train d’affirmer ses limites? Peut-elle tenir devant le mécontentent grandissant des autres grandes puissances ? En clair le système Poutine va-t-il tenir encore longtemps ?
Le résultat du premier tour est donc sans appel. Vladimir Poutine est réélu à la tête de la Russie. Mais au-delà du résultat électoral, déjà suspecté de fraudes, c’est le taux de participation qui était particulièrement attendu. Ce dernier se situerait aux alentours des 64 %. Un résultat particulièrement attendu, explique Héléna Perroud, puisqu’un candidat n’a pas pu se présenter à l’élection présidentielle, Alexei Navalny. Ce dernier avait appelé à faire la grève des élections.
Ces élections ont une fois encore été suspectées d’irrégularités. "Vous avez des régions totalement contrôlées où les autorités peuvent faire absolument n’importe quoi. C’est le cas du Caucase du Nord. C’est ce que les opposants russes appellent les sultanats. Il y a eu des pressions administratives colossales rapportées en Russie pour que les gens votent. On a menacé les étudiants, les fonctionnaires, les enseignants" lance à ce sujet Françoise Thom.
Héléna Perroud nuance en affirmant que "Poutine fait cette fois-ci son meilleur score. En 2000, personne ne le connaissait. Il a fait 52 % au premier tour. En 2004, la population avait l’air d’avoir apprécié ses quatre premières années à la tête du pays. Il a fait 72 %. En 2008, la Constitution ne permettait pas que la même personne se présente deux fois de suite. Medvedev a fait 70 %. Et en 2012, lorsque Poutine s’est représenté, il y a eu un désamour net et une chute du vote Poutine très nette, puisqu’il a fait 63 %".
Elle ajoute que ce nouveau score de 76 % peut être analysé de plusieurs manières. Notamment si l’on prend en compte l’épisode de la Crimée, survenu quatre ans jour pour jour avant la dernière élection présidentielle. Un événement analysé de manière très différente en Occident et en Russie. Héléna Perroud précise à ce sujet que l’épisode de la Crimée a fait bondir la cote de popularité de Poutine de 60 à 80 %.
Vladimir Poutine semble donc toujours apprécié dans son pays, par une bonne partie de la population du moins. Un point étonnant pour Françoise Thom, qui rappelle que les salaires russes n’ont fait que chuter en quatre ans, et que l’économie du pays est actuellement plongée dans une crise très sévère. "Il n‘y a pas d’incidence électorale de cette chute du niveau de vie qui affecte beaucoup de Russes" précise-t-elle, précisant que cela s’explique par une "propagande intensive" et une "vague de chauvinisme".
Héléna Perroud ne croit pas en un retournement de l’opinion contre Poutine. "Il a un socle d’adhésion qui est très solide. La Russie est beaucoup plus diverse que ce qu’un regard voit spontanément. Nous ne voyons que Moscou et Saint Pétersbourg, sans voir souvent la Russie dans sa diversité. Il faut juste avoir l’esprit qu’il y a entre 160 et 190 ethnies. Mais le mécontentement existe".
En interne, Vladimir Poutine mène donc sa barque. Sur le plan international, la Russie est plus que jamais omniprésente. Une attitude interventionniste que l’on peut expliquer par une volonté d’un certain retour de la puissance russe, ou par la crainte de ce pays face à plusieurs menaces potentielles.
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