Pour qui voteront les catholiques français au second tour de l’élection présidentielle dimanche ? Difficile de formuler une seule et unique réponse face à cet électorat très éclaté. Certains catholiques sont de plus en plus tentés par l’extrême-droite.
C’est un choix presque cornélien pour certains fidèles. Pour qui voter entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen ? "Entre deux maux, il faut choisir le moindre et ce sera Emmanuel Macron, souffle Isabelle, à la sortie de la messe à l'église Saint-Jacques le Majeur à Montrouge près de Paris. Le repli sur soi et l'égoïsme, ça n’est pas compatible avec la foi chrétienne." Une autre fidèle a déjà fait son choix pour dimanche. Ce sera Marine Le Pen comme au premier tour, pour faire barrage à Emmanuel Macron. Séverine, quant à elle, n'est pas encore décidée. "Pour moi le plus important c’est la préservation de la vie. Macron, ça on sait qu’il est pour l’euthanasie et la prolongation de l’avortement. Marine Le Pen, j’ai l’impression que ce n’est pas très clair dans son positionnement donc je ne vois pas trop qui est le pire", confie cette fidèle.
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Tous les catholiques ne se mobilisent pas pour les mêmes raisons. Mais selon un sondage IFOP pour La Croix, datant de la semaine dernière, leur vote se porte majoritairement entre le centre-droit et l’extrême droite. 29 % des catholiques interrogés ont voté Emmanuel Macron au premier tour, 27 % pour Marine Le Pen. 14 % ont voté Jean-Luc Mélenchon et 10 % pour Eric Zemmour.
Il reste néanmoins important de préciser que tous les catholiques ne votent pas en fonction de leurs convictions religieuses. Mais selon les études sociologiques, plus un catholique est pratiquant, plus il pense la politique à partir de celles-ci. Et chez les fidèles catholiques pratiquants, le vote qui allait jusqu’alors majoritairement à la droite traditionnelle, de gouvernement, se transforme en un vote un peu plus radical, qui tend vers les extrêmes. "C’est bien le signe que toute une partie de l’électorat catholique pratiquant a basculé dans un rapport relativement contestataire aux institutions politiques. On sort d’une période de crise qui a mis à l’épreuve la confiance des Français dans les institutions", analyse Yann Raison du Cleuziou, politologue, spécialiste de la sociologie politique du catholicisme.
Un certain nombre de catholiques pratiquants sont convaincus que le christianisme n’est pas qu’une spiritualité et ils ont donc trouvé chez Eric Zemmour un discours qui correspondait à leurs convictions
Une chose s’est révélée plus forte que dans la moyenne nationale au premier tour : le vote en faveur d’Eric Zemmour. Il s’élève à 16 % chez les catholiques pratiquants réguliers. Au niveau national, le candidat d’extrême-droite a récolté 7,1 % des suffrages. "Il pense le christianisme comme la matrice essentielle de la civilisation occidentale et il pense donc que celle-ci ne peut qu‘entrer en décadence si elle perd la mémoire de ce substrat chrétien. D'autant plus que le déclin du christianisme serait accompagné d’une montée en puissance de l’islam. Eric Zemmour opère un cadrage très religieux des problèmes politiques. Or un certain nombre de catholiques pratiquants sont convaincus que le christianisme n’est pas qu’une spiritualité et ils ont donc trouvé chez Eric Zemmour un discours qui correspondait à leurs convictions”, explique Yann Raison du Cleuziou. Chez les catholiques moins pratiquant, le vote en faveur de l’extrême droite est moins marqué.
L’électorat de gauche existe toujours chez les catholiques même s'il semble moins audible que celui de droite. "On a affaire à un pôle qui demeure à gauche, avec des personnes qui relèvent de classes d’âge assez âgées et qui persistent à développer leur tropisme de gauche. Mais il y a également quelques jeunes qui se manifestent autour de groupes de réflexion visant à faire évoluer l’Eglise", affirme Philippe Portier, sociologue spécialiste du catholicisme.
Il s'agit donc d'un électorat très éclaté et relativement peu guidé par les évêques de France. La conférence des évêques de France (CEF) s'est contentée d’appeler à voter en conscience et s’en tient à la liberté de chaque fidèle. "Les conseils de l’épiscopat auraient aujourd'hui du mal à être reçus du fait que l’Eglise catholique se trouve aujourd'hui frappée de décroyance, du fait qu’elle a pu avoir, c’est ce que le rapport Sauvé a révélé, une attitude en contradiction avec ses propres principes pour ce qui concerne la gestion des affaires de pédophilie, commente Philippe Portier. C’est difficile quand on est dévalué moralement de prendre position sur des grands principes."
Un collectif a appelé mardi dans une tribune publiée dans le journal La Croix à ne pas s’abstenir face à Marine Le Pen et donc à voter pour Emmanuel Macron. Les signataires, parmi lesquels Marie Derain de Vaucresson, condamnent le repli sur soi et le projet de la candidate d'extrême-droite, "inacceptable pour la foi chrétienne".
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