La finance religieuse est un sujet peu connu et peut sembler contre-intuitif pour certains. Il semble pourtant logique que le Vatican, Etat de 826 habitants, gère par lui-même ses finances selon des règles morales en accord avec la doctrine catholique. Jean-Baptiste de Franssu, président de la Banque du Vatican, nous en dit plus sur le sujet.
“Vous ne pouvez pas avoir deux maîtres : Dieu et l’argent.” L'Évangile est clair sur ce point. Mais l’argent sert aussi de moyen pour l’Église catholique de mener à bien ses missions. Existe-t-il alors un moyen d’employer cet argent de manière qui ne contrevienne pas aux principes de l’Église ? C’est la question qui interroge Jean-Baptiste de Franssu, président de la Banque du Vatican, et président de l’ordre des Bernardins.
Pour Jean-Baptiste de Franssu, l’investissement est un vecteur majeur de la transformation du monde par les chrétiens, qui investissent trop peu dans des projets correspondant à leurs valeurs. Les grandes institutions chrétiennes pourraient utiliser leur capital pour influencer positivement la société. C’est le cas de la banque du Vatican, qui investit dans des projets, en vue de financer ses missions et de renflouer ses caisses.
Il est très sain d’investir en chrétien.
Il souligne que le capital chrétien mondial est estimé à 1800 milliards d'euros, une somme qui regroupe les biens de l'Église catholique, mais aussi protestante et orthodoxe. "Si nous gérions mieux tout cet argent, quel impact pourrions-nous avoir sur la société ?" Jean-Baptiste de Franssu évoque les marchés financiers, utilisés pour influencer les grandes questions comme l'écologie. "Les marchés financiers sont un vecteur extrêmement important d'influence sur la société"
La Banque du Vatican a été marquée par plusieurs scandales financiers, bien que des efforts de réforme aient été entrepris depuis l’arrivée de Franssu en 2014. Selon lui, "Il n'y avait pas les procédures de contrôle nécessaires. La gouvernance n’y était pas."
Il précise que la mauvaise gestion des finances par le passé a souvent été le résultat de l’incompétence des responsables, si elle n’a pas été le fruit de mauvaises influences au sein du clergé. Ceci a notamment été le cas en 2020, lors de l’investissement douteux dans un immeuble à Londres en 2019, qui a donné lieu à des investigations internes. L'une des priorités de de Franssu a donc été d'assurer une gestion plus rigoureuse et transparente des fonds du Vatican.
Nous avons un grand nombre de critères éthiques, des choses que nous pouvons faire ou que nous ne voulons pas faire.
L’important pour le Vatican est d’investir dans les domaines que l’Eglise soutient, notamment en matière de respect de la vie et de protection de l'environnement.
De nombreux critères définissent la politique financière du Vatican. Tous ne sont pas régis par un caractère moral ou éthique, mais beaucoup correspondent aux enseignements sociaux de l’Église.
Jean-Baptiste de Franssu analyse que certaines tendances économiques actuelles intéressantes financièrement ne correspondent pas toujours aux principes de l'Église. Des questions comme l’euthanasie ou l’avortement sont englobés dans cette catégorie. Il affirme : "Nous ne voulons pas investir dans des sociétés pharmaceutiques qui sont impliquées dans ce genre de pratiques."
L’une des questions souvent soulevées est celle de l’engagement des institutions chrétiennes dans des entreprises pétrolières. Jean-Baptiste de Franssu explique que la Banque du Vatican refuse l’exclusion systématique de ces domaines. L’Église, selon lui, doit utiliser ses investissements comme un levier pour encourager les entreprises à évoluer.
Le Vatican peut investir dans le secteur du pétrole, tout en exigeant en échange une amélioration de certains domaines, comme celui de l’énergie verte.
La réforme de la gestion des finances chrétiennes passe aussi par la formation des responsables. Jean-Baptiste de Franssu souligne l'importance de l’Institut des Hautes Études de la Finance Religieuse, qu’il codirige au Collège des Bernardins. Cet institut a pour but de former des économes diocésains et des gestionnaires de patrimoine à une économie plus juste. "Il est indispensable d'être en phase entre ce que l'on dit et ce que l'on fait.”
Porteur d’une vision de la finance chrétienne responsable et engagée, Jean-Baptiste de Franssu estime que les chrétiens doivent être conscients de l’impact de leurs choix financiers. L’Eglise a un rôle à jouer dans la prévention des fidèles sur le sujet des investissements justes.
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