Avec près de 700 organisations partenaires, le CCFD-Terre Solidaire se déploie sur toute la planète. Eprouvés par l’épidémie de coronavirus, ces partenaires sont souvent des travailleurs de l’économie informelle. " La plupart se sont retrouvés sans travail, sans couverture sociale. Pour ces gens-là c’est une véritable lutte pour la survie. On le voit chez les paysans dans les campagnes ou dans les villes avec tous ces travailleurs, vendeurs de rues, éboueurs, chauffeurs de taxis ou de tuk-tuk ", explique Sylvie Bukhari de Pontual, qui est aussi avocate et militante des droits humains de longue date.
Quand on vit de façon très précaire, le confinement est extrêmement difficile. " La plupart du temps, il faut sortir pour pouvoir se procurer de quoi se nourrir au jour le jour, ces personnes vivent souvent à plusieurs dans une même pièce donc cela n’a aucune signification d’autant qu’il n’y pas d’amortisseur comme dans notre société avec les systèmes de protection sociale ou de chômage partiel ".
Les partenaires du CCFD ont su s’adapter et convertir une partie de leur activité pour accompagner les personnes les plus pauvres. " Quelque-chose de formidable aussi, raconte la présidente du CCFD, ces partenaires se sont beaucoup plus souciés de notre situation à nous, situés en France, car c’était un des pays les plus touchés par le coronovirus. La solidarité n’était pas que dans un seul sens ! "
En Europe, on s’inquiète beaucoup de la crise économique et sociale mais en Afrique, c’est plutôt une crise alimentaire qui guette.
Il y avait déjà des signes antérieurs à la pandémie et celle-ci vient accélérer la crise alimentaire. Ce n’est pas une crise de la production alimentaire mais plutôt une crise de l’accès à l’alimentation, parce que les frontières sont fermées, les moyens de transports sont arrêtés et que les petits producteurs ne peuvent pas aller vendre leurs biens sur le marché. " Ils ne tirent pas de ressource et pour un certain nombre d’entre eux, parce qu’il y avait déjà la sécheresse dans leur pays, comme le Mali, le Maroc, la Syrie, le Guatémala ou encore parce qu’ils subissaient une catastrophe comme les criquets pèlerins en Afrique de l’Est, ces petits producteurs sont obligés pour survivre de commencer à prélever sur leur production, et donc cela obère les possibilités de replanter pour l’année prochaine. C’est aussi le cas pour les éleveurs d’animaux qui sont obligés de prélever leur cheptel qui est leur capital. Après, ils n’auront plus rien. On peut penser que d’ici 6 mois à un an maximum, ces pays-là fassent face à une grave crise alimentaire "
« Le G 20 a décidé un moratoire en 2020 mais c’est tout à fait insuffisant et ne fera que reculer le problème ! », estime la présidente du CCFD-Terre solidaire. Il faut en effet, explique-t-elle, libérer des liquidités pour ces pays afin de faire face à la pandémie. " Il serait nécessaire de créer un mécanisme international multilatéral qui puisse restructurer la dette et décider quels seraient les pays qui pourraient bénéficier de cette mesure pour faire face à la pandémie".
« Cette pandémie n’est pas le fait du hasard », souligne Sylvie Bukhari-de Pontual. Elle est directement liée au rapport entre l’homme et la nature : exploitation des ressources naturelles à outrance, déforestation, très grande urbanisation, modes de consommation, incapacité à gérer et partager les biens communs…
Alors qu’on célèbre les 5 ans de l’encyclique Laudato Si, qui proclame que " tout est lié", cette encyclique est "toujours aussi prophétique", ajoute-t-elle. "Si on respecte les ressources que la Terre peut nous donner, on sera en capacité de répondre à cet immense défi de la pauvreté et de rendre la dignité aux exclus".
Quelles sont les valeurs qui nous rassemblent et sur lesquelles on veut construire ce monde ?
La présidente du CCFD-Terre solidaire les énumère : la justice au nom de la dignité de tout être humain, l’harmonie entre l’homme et la nature, l’option préférentielle pour les pauvres, le partage universel des biens, la défense des droits humains, la participation des citoyens à l’organisation de la société.
« A partir des plus pauvres, il faut repenser ce monde. Il faut écouter ces invisibles. Ils savent très bien eux- mêmes ce qui leur convient et ce qui est bon pour eux pour qu’ils puissent retrouver la dignité qu’ils devraient avoir comme nous tous. C’est sans doute une démarche essentielle que de les écouter d’abord et ensuite de leur permettre de renforcer leur capacité de s’exprimer et de construire eux-même leur propre avenir ».
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