Chaque jeudi, Stéphanie Gallet décrypte une photo sélectionnée par le CCFD-Terre solidaire. Cette semaine, direction Ermelo, une petite ville au nord-est de l’Afrique du Sud, avec une photo de Laurent Hazgui.
Regardons la photo. C’est un format paysage, mais le cadrage est un peu étrange. Les verticales de la scène ne sont pas parallèles aux bords de l’image. Le photographe a dû légèrement incliné son appareil. La femme et le piquet à côté duquel elle se tient debout apparaissent comme de travers, un peu penchés vers la gauche. La photo est prise en contre-plongée, le photographe devait être accroupi pour avoir dans son viseur notre jeune femme et ce qu’il y a au dessus d’elle : une grande bâche, sorte de serre de fortune pour protéger des oiseaux et maintenir l’humidité. La femme semble jeune, elle est habillée en jean et sweat noir et elle a sur la tête un drôle de bonnet blanc avec deux gros pompons qui pendent de chaque côté de son visage. Elle tient dans ses mains un pot avec dedans une plante verte et on imagine qu’elle est en train de la nettoyer. À ses pieds un tapis de verdure avec quelques tâches claires, des fleurs pâles et des étiquettes jaunes qui contrastent avec la végétation. On a du mal à distinguer ce qui pousse sous cette serre mais tout cela semble très exubérant.
Nous sommes à Ermelo, une petite ville au nord-est de l’Afrique du Sud. Et devant nous se tient Nellie, elle est agricultrice et ce que ne nous dit pas la photo, c’est qu’elle cultive une grande variété de plantes, mais aussi de légumes comme des épinards, des choux, des courges ou encore des tomates. Ce que ne nous dit pas cette photo non plus, c’est qu’avant d’être agricultrice, Nellie est avant tout une activiste. Après avoir suivi une formation en agroécologie auprès d’un partenaire du CCFD-Terre solidaire, elle a créé ce jardin partagé pour permettre aux femmes précaires de son village de s’approvisionner gratuitement en légumes et ainsi nourrir leurs familles. Car sous cette serre de fortune, les nombreuses teintes de vert entrent en résistance avec le noir du charbon qui empoisonne la vie des communautés locales.
Dans cette province d’Afrique du Sud, les nombreuses mines de charbon tournent à plein régime au détriment de l’environnement, de la santé et de la souveraineté alimentaire des populations. Avec ces mines la plupart du temps vétustes, cette région était fin 2018, l’une des plus polluées au monde. Les riverains en paient le prix fort. La poussière toxique flotte dans l’air, contamine l’eau, souille les champs et les cultures et s’imprègne jusque dans les habitations.
Les femmes sont les premières touchées par ce fléau, car c’est sur leurs épaules que repose la charge de cultiver les champs et d’effectuer les tâches ménagères. Elles sont contraintes de marcher toujours plus loin à la recherche d’eau potable et de nourriture pour subvenir aux besoins de leurs familles.
C’est le programme WOMIN qui a formé Nellie. Présent dans huit pays d’Afrique australe, il dénonce les impacts des activités minières, notamment sur la vie des femmes. WOMIN est très actif pour que la voix de ces femmes vulnérables et en colère soit entendue par le secteur minier. Cette formation a permis à Nellie de résister et d’être une femme qui se tient debout face au monde de la mine même si sur la photo elle est légèrement penchée. Cette photo est signée Laurent Hazguy.
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