C’est un fléau invisible. La surpêche menace les écosystèmes sous-marins. Des chalutiers qui atteignent parfois 140 mètres de long, ratissent nos océans. Les plus efficaces peuvent pêcher jusqu’à 400 000 kilos de poissons en vingt-quatre heures. Si une politique européenne commune de la pêche est bien en vigueur, elle est pourtant loin d’être suffisante.
Les chiffres donnent le tournis. Les ports français ont vu débarquer 347 000 tonnes de poissons sur ses ports en 2022. Il fallait au moins cela pour subvenir à l’appétit toujours plus important des consommateurs français. Dans l’Hexagone, un habitant consomme 33,3 kilos de poissons par an en moyenne. Un chiffre à mettre en perspective alors même que l’IFREMER, l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, rapporte que 20 % des poissons sont issus de la surpêche.
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La surpêche est basée sur l’indicateur du rendement maximum durable (RMD) qui calcule la quantité maximum d’un stock de poissons que l’on peut théoriquement prélever sans porter atteinte à sa capacité de reproduction. Cet indicateur est né après la Seconde Guerre mondiale pour lutter contre une surpêche démentielle.
Il vise à concilier conservation et exploitation. L’indicateur du rendement maximum durable “permet d'établir les quotas au niveau européen”. En d’autres termes, “il définit la taille du gâteau que l’on peut extraire chaque année pour, par exemple, le cabillaud, la sole, ou le merlan bleu”, explique Frédéric Le Manach, directeur scientifique de l’association Bloom, qui lutte contre la destruction des océans. Un gâteau qui va ensuite être distribué au sein des différents Etats membres de l’Union européenne.
Si cette définition du rendement maximum durable, et donc des quotas, permet de lutter contre une pêche intensive, l’indicateur reste insuffisant. Aujourd’hui, une pêche durable correspond à une politique de pêche basée sur la gestion RMD. “C’est purement productiviste”, regrette Frédéric Le Manach. Pour lui, “il faut adopter une vision écosystémique”. Il aimerait par exemple, aller plus loin en contrôlant les tailles de bateau ou les filets de pêche.
Si la surpêche est un danger pour la vie sous-marine et pour les espèces des milieux halieutiques, elle n’en reste pas moins aussi un danger pour l’économie littorale. Les artisans-pêcheurs, et leur navire à taille humaine, doivent pêcher dans les mêmes conditions, et dans les mêmes eaux que les chalutiers de plusieurs dizaines de mètres de long. “C’est de la concurrence déloyale”, déplore Bruno Margolet, pêcheur et vice-président au comité national des pêches.
“Ils ont une capacité de pêche multipliée par trois par rapport à nous. Ce sont des bateaux qui ont des rotations d’équipage et qui travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre”, souffle Bruno Margolet. “Moi, je reste avec un équipage local. Je fais vivre plusieurs familles locales. Ces gens-là sont des industriels. Ils ont donc des équipages étrangers car ils ne trouvent pas de main d'œuvre”.
Lorsqu’il y a trop forte offre, c’est qu’il y a aussi trop forte demande. Si la moitié des Français déclarent manger au moins une fois du poisson par semaine en 2022, c’est la consommation mondiale qui inquiète. L’appétit mondial pour les ressources halieutiques donne des vertiges. La consommation moyenne planétaire de poissons et produits de la mer a atteint son niveau record de 20,5 kilos. “Que ce soit des animaux terrestres, ou des animaux marins, on a besoin de repenser notre régime alimentaire en étant confronté aux crises de la biodiversité et du climat”, souligne Frédéric le Manach.
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Deuxième élément responsable de l’épuisement des ressources sous-marines : les méthodes de transformation et de distribution des poissons qui génèrent des pertes. “On a des processus industriels qui sont très peu efficaces. On va, par exemple, jeter beaucoup de poissons. Ils repassent par-dessus bord parce qu’on en a pêché une autre espèce qui se vend plus cher”, avance d’abord Frédéric Le Manach. Avant de poursuivre : “Il y a aussi toute la perte faite en aval avec des quantités effroyables de poissons qui sont jetés par la grande distribution alors qu’ils ont été mis sur les étales”, conclut le directeur scientifique de l’association Bloom.
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