"Exceptionnel, historique, mémorable !" À Marseille, ce samedi il n’y avait pas de mots assez forts pour exprimer l’émotion suscitée par la venue du pape François. Au centre des travaux qui ont été menés, les enjeux à relever dans le bassin méditerranéen, parmi lesquels le sort tragique des migrants, les guerres, la protection de l’espace marin et de sa biodiversité ou encore la pauvreté. Le point d’orgue fut la messe célébrée par le pape au Vélodrome de Marseille devant un stade qui exultait. Que faut-il retenir de cette visite historique ?
Au commencement – et bien avant qu’il ne soit question d’une visite du pape - il y avait 70 jeunes et 70 évêque, tous venus des cinq rives de la Méditerranée, l’Afrique du Nord, le Proche-Orient, la mer Noire et Égée, les Balkans et l’Europe latine.
Leur mission ? Travailler, réfléchir et aboutir à des propositions permettant de répondre aux défis posés par la mare nostrum, cette mer au milieu des terres.
Car si la Méditerranée a toujours été un lieu de rencontres, d’échanges et de voyages elle concentre aussi une mosaïque de cultures, de religions et de conflits. Comment faire face à l’afflux de migrants venus chercher l’hospitalité et dont la mer est souvent le tombeau ? Comment prévenir et venir à bouts des conflits ? Comment favoriser le dialogue et sortir de la défiance ? Comment lutter contre la pauvreté et assurer une vie digne à chacun ? Ce sont à ces questions difficiles et fondamentales que les 140 protagonistes ont réfléchi pendant 8 jours.
Je crois que nous avons fait du bon travail
"Je crois que nous avons fait du bon travail" affirme le dominicain Jean Jacques Pérennès, directeur de l’Ecole biblique et archéologique de Jérusalem, membre de l’Institut dominicain d'études orientales et du comité scientifique de ces rencontres "nous avons fait se rencontrer des évêques, des acteurs de la société civile, des jeunes ! Nous avons fait se croiser l’expérience et la créativité. Et notre travail a débouché sur des propositions que je trouve très intéressantes !"
Parmi les propositions, à retenir notons une conférence ecclésiale de la Méditerranée, un bateau de la Paix ou encore un équivalent des JMJ version méditerranéenne.
Au cours de ces rencontres, il a aussi été question d’une "théologie à partir de la Méditerranée", enracinée dans la vie, qui ne soit pas une théologie de laboratoire a insisté François dans son discours au Pharo.
"Marseille est la capitale de l’intégration" a-t-il rappelé. "Une porte ouverte depuis toujours […] Elle ne peut être fermée à cause de deux mots : invasion et urgence […] Marseille est le sourire de la Méditerranée."
Les migrants sont des visages pas de nombres
Devant Emmanuel Macron, François a appelé à faire en sorte que "la Méditerranée redevienne un laboratoire de paix", invitant à "un sursaut de conscience" pour prévenir "un naufrage de civilisation". Si des sourires sont venus çà et là éclairer son visage, c’est un pape plutôt sombre qui est apparu, en particulier le vendredi 22, jour de son arrivé lorsqu’après un temps de prière à Notre Dame de la Garde, il s’est recueilli devant une stèle dressée en hommage aux marins et migrants disparus en Méditerranée. "Les migrants sont des visages pas de nombres" a-t-il insisté le lendemain au Pharo. "Ce sont des frères, pas seulement des problèmes".
Le point d’orgue de cette visite fut sans nul doute la messe célébrée par le pape au Vélodrome de Marseille devant près de 60 000 fidèles chauffés à blanc. Il faut dire que le dernier souverain pontife à avoir foulé le sol de la cité phocéenne, était le pape Clément VII… en 1533 ! La visite de François a fait du bien. "Pour une fois on parle de Marseille pour une bonne raison et pas parce qu’il y a eu une fusillade et des règlements de comptes entre trafiquants de drogue" confie un habitant.
Les catholiques de l’hexagone tout entier avaient les yeux rivés sur le stade Vélodrome ce samedi après-midi. Et à travers Emmanuel Macron c'est bien la France entière qui accueillait le pape. François avait prévenu : "Je viens à Marseille, je ne viens pas en France". Mais il a signifié qu’il se rendait à l’évidence en lançant un "Bonjour Marseille, bonjour la France !” au tout début de la célébration, déclenchant une salve d’applaudissements.
Dans son homélie, le pape a invité les catholiques français à se décentrer, à laisser de côté les "passions tristes" de la vieille Europe pour se tourner vers les plus pauvres. Là encore, Cela a fait du bien à l’Eglise de France qui depuis plusieurs années est plongée dans le scandale des abus et dans des tensions internes entre différentes sensibilités.
Le pape appelle à des changements et à des options qui ne font pas l’unanimité et en cela, ses propos sont politiques
Quand on lui demande si les propos du pape ont été politiques, le jésuite Pierre de Charentenay est clair : "Ils sont enracinés dans une réflexion évangélique et sont politiques par les effets qu’ils peuvent avoir dans la réalité ! Le pape appelle à des changements et à des options qui ne font pas l’unanimité et en cela, ses propos sont politiques." Si divers partis ont exprimé leur désaccord, estimant que l’évêque de Rome n’a pas à se mêler des politiques menées par les pays de l’UE, des chrétiens ont également du mal à adhérer à la conception de l’hospitalité à laquelle il les appelle. "Combien de fois dans la Bible sommes-nous invités à ne pas avoir peur ?" rappelle Colette Hamza, religieuse Xavière et ancienne directrice de l’ Institut de Science et de Théologie des Religions. "On peut entendre que des gens aient peur parce qu’ils se sentent bousculés et que ce qui est étrange nous devient étranger. Mais la solution n’est pas dans le repli sur soi" ajoute-t-elle. "Le Christ nous dit allez au large, avance en eaux profondes ! N’ayons pas peur de l’autre. Plus on le rencontrera, plus on ouvrira nos cœurs à l’altérité".
N’ayons pas peur de l’autre. Plus on le rencontrera, plus on ouvrira nos cœurs à l’altérité
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