Après la mort de l'indépendantiste corse Yvan Colonna, une large partie des citoyens insulaires l'érigent en martyr et en héros. Condamné à la perpétuité pour l'assassinat de Claude Érignac, les proches du préfet sont choqués par cette inversion du rôle de victime.
Pour beaucoup de Corses, Yvan Colonna est un martyr de l’Etat français, un mythe "de rebelle, de résistant", comme le rappelait Thierry Dominici, sociologue spécialiste du nationalisme corse sur RCF. Pour d’autres, il est l’assassin du préfet Claude Érignac, tué à Ajaccio en 1998.
"Assassin", un seul mot suffit à Jean Orizet pour qualifier l’indépendantiste corse, préférant d’ailleurs contourner son nom par un simple "ce monsieur". Claude Érignac était le meilleur ami de Jean Orizet, poète et éditeur, depuis leurs 17 ans. "Ce 6 février 1998 est un jour que je n’oublierai jamais, jusqu’à ma mort", confie-t-il aujourd’hui à RCF.
En Corse, le deuil a pris le pas sur les contestations de ces dernières semaines. Mais l’émotion ne faiblit pas, deux jours après la mort d’Yvan Colonna. L’homme, qui a toujours clamé son innocence, est devenu le symbole de la lutte nationaliste sur l’île, malgré ses condamnations successives à la perpétuité pour l’assassinat de Claude Érignac. "Qu’on l’enterre et qu’on fasse son deuil, c’est normal, assure Jean Orizet. Mais de là à manifester et d’en faire un martyr, je trouve ça indécent pour la mémoire de Claude Érignac. Elle est bafouée", se désole-t-il, en se remémorant les milliers de personnes qui ont manifesté en Corse à l'époque pour condamner ce crime.
Un symbole "scandaleux" mais qui ne surprend pas Me Vincent Courcelle-Labrousse, avocat du frère de Claude Érignac, Robert Érignac. "Ça a été la stratégie tout au long des années d’enquête et de procès de faire d’Yvan Colonna un héros et une personne accusée de manière indigne, se souvient l’avocat. Je trouve stupéfiant cette espèce de reconstruction a posteriori qui essaye d’oublier la réalité judiciaire. Il a été condamné pour assassinat à la perpétuité.”
Une large partie des citoyens insulaires tiennent aujourd’hui pour responsable l’État de n’avoir pas assez protégé le militant en prison, qui était pourtant placé sous le statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS) et donc censé être soumis à une importante surveillance. Les premières conclusions de l’enquête administrative sur l’agression d’Yvan Colonna seront connues début avril. Sa famille et ses soutiens demandaient, depuis plus de vingt ans, son transfert dans la prison de Borgo (Haute-Corse), toujours refusé par les autorités.
Depuis l'agression d'Yvan Colonna début mars, le transfert vers cette prison a finalement été accordé, pour mi-avril, aux autres membres du commando, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, également condamnés à la réclusion à perpétuité. "Tout le monde a conscience que le rapprochement intervient à l’aune du drame qui vient de se passer. Dans ce contexte-là, il est évident qu’on ne peut pas parler de satisfaction", commente Me Eric Barbolosi, l’avocat de Pierre Alessandri auprès de RCF.
Yvan Colonna est mort le lundi 21 mars à l’hôpital Nord de Marseille (Bouches-du-Rhône). Il était depuis près de trois semaines dans le coma à la suite d’une violente agression d’un co-détenu radicalisé, Franck Elong Abé, le mercredi 2 mars dans la maison centrale d’Arles (Bouches-du-Rhône). L’homme est mis en examen pour "assassinat en relation avec une entreprise terroriste".
Les obsèques d'Yvan Colonna auront lieu le vendredi 25 mars à Cargèse, son village familial.
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