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Bordeaux : Découvrez les 3 vies d’Elisabeth d'Angèle, chef d’entreprise, SDF, elle fonde un foyer d'accueil pour les sans abris et sans papiers

Un article rédigé par Elina Garcia - RCF Bordeaux, le 31 juillet 2024 - Modifié le 31 juillet 2024

Dans cet épisode de Chemin des Possibles, Elisabeth d’Angèle raconte au micro de RCF Bordeaux l’histoire de ses 3 vies en Gironde. C’est une main tendue qui a fait basculer le destin de cette ancienne SDF bordelaise.

 

Elisabeth D'Angèle dans le studio de RCF Bordeaux Elisabeth D'Angèle dans le studio de RCF Bordeaux

Elisabeth, 78 ans, est passée en quelques jours d’une vie de « Madame tout le monde » à une vie de misère dans la rue. C’est une rencontre, une main tendue qui change son destin. Soignée et sortie de la précarité, elle décide de se mettre au service des autres et fonde en 2019 « la Maison d’Elisabeth » qui est un lieu d’accueil universel et inconditionnel 12 Place Saint Martial dans le quartier des Chartrons à Bordeaux. Commence alors sa troisième vie. 

 

Comment devient-on SDF ? 

“C’est très facile”, répond Elisabeth au micro de RCF Bordeaux. Elle explique qu’il suffit d’une succession d'événements négatifs : la perte de son travail, un divorce, une maladie… Et c’est ce qui lui est arrivé. Elisabeth était chef d’entreprise, elle gérait une maison de retraite et toutes les tâches quotidiennes que cela impliquait. Elle faisait la garde la nuit, elle cuisinait, jardinait et faisait également les premiers soins. Mais, il y a plus de 30 ans, les chefs d’entreprise n'étaient pas aussi protégés que maintenant. Elisabeth se fait diagnostiquer un cancer et son long séjour à l'hôpital est fatal pour sa vie professionnelle : le maire de la ville la remplace et transforme drastiquement la gérance du lieu qu’Elisabeth a toujours investi. Elle est mise à la rue. 

Son cancer ne l’a toujours pas quittée aujourd’hui. Elle raconte qu’étant seule et à la rue, elle n’a pas pu l’assumer ni psychologiquement ni physiquement, évidemment, sa priorité se trouvait ailleurs : comment survivre à l’extérieur ? Elisabeth reste SDF pendant 5 ans à Bordeaux. 

La première nuit se passe avec la peur dans le ventre, le froid, la faim. [...] La rue, pour moi, ça reste un suicide collectif. 

La rue n’aide pas, elle fait souffrir, c’est un gouffre de douleur que certains essaient de remplir avec l'alcool, la drogue… Mais l’apaisement d’Elisabeth se trouvait, lui, dans une envie de mourir immédiate. “Dès que je trouvais un verre, n’importe quoi dans la rue, une boîte de conserve, quelque chose qui pouvait m’ouvrir les veines, je le faisais.” confie-t-elle avec émotion au micro. 

 

Une main tendue 

Elisabeth remercie les pompiers de Bordeaux qui l’ont toujours apporté à l’hôpital à temps et qui l'ont un jour mené à une rencontre inespérée. Alors qu’elle se promenait dans les couloirs du CHU avec ses perfusions, elle croise un couple de parents très inquiets pour leur enfant qui souffre de manière inexplicable. Grâce à l’expérience d’une jeunesse passée en Afrique aux côtés de médecins, Elisabeth reconnaît tout de suite le mal du bébé : il souffre d’une méningite. Elle raconte que les médecins du CHU la prennent alors pour une folle et qu’ils lui interdirent de sortir de sa chambre, car selon eux, elle même ne sait pas s’occuper de sa propre santé alors comment pourrait-elle donner son avis sur celle des autres ?  

Mais un jour, la mère du petit garçon vient frapper à la chambre d’Elisabeth et lui annonce  qu’elle avait raison, son enfant souffre bien d'une méningite, heureusement bénigne. Les deux femmes établissent alors un lien de confiance et d’amitié. Reconnaissant, le couple décide de sortir Elisabeth de la rue et l’emmène vivre à Paris. Grâce à eux, elle réapprend à dormir sur un matelas, redécouvre le plaisir de se doucher et se fait soigner à l’hôpital pour son cancer. “Encore aujourd’hui ils sont présents, c’est ma famille” raconte Elisabeth de sa voix douce “et leur bonté m’a appris beaucoup de choses”. 

 

Le retour à Bordeaux 

La maison d’Elisabeth est située à Bordeaux parce que je ne pouvais pas la faire ailleurs vu mon passé sur Bordeaux et mon amour pour Bordeaux. 

Elisabeth fait alors la demande d’un local à la mairie de Bordeaux qu’elle baptise “La Maison d’Elisabeth” car “certes c’est un centre d'accueil social, mais c’est avant-tout une maison, une maison humaine, la maison de tout le monde” précise t-elle. 

A la maison d’Elisabeth, l'accueil se fait à 9h, on raconte la nuit que l’on vient de passer, souvent mouvementée, on petit-déjeune, on se douche, on lave le linge, on rigole, on parle de tout et de rien. Et on appelle l’hôte “maman” ou “mamie”. “Je leur apporte du bien, mais je préfèrerais ne pas avoir à le faire et [si c’était le cas] peut-être que mon sourire serait doublement plus large qu’il ne l’est aujourd’hui” finit Elisabeth d’Angèle. 

Aujourd’hui, La Maison d’Elisabeth est soutenue par la ville de Bordeaux. Le lieu est ouvert du lundi au jeudi et le vendredi et le samedi Elisabeth va dans les squats bordelais. 

L’histoire d’Elisabeth est la preuve que celui qui reçoit donne à son tour. Comme quoi, la joie se partage peut-être vraiment. 


 

Si vous êtes tentés d’en savoir plus, Elisabeth d’Angèle a écrit trois livres. Découvrez en détail sa vie pleine de péripéties : 

D’Angèle Elisabeth, 2004, “L'européenne: Blanche dehors, noire dedans”, les éditions de l'officine, 307 pages

D’Angèle Elisabeth, 2006, “Une Ex-SDF…”, les éditions de l’officine, 171 pages

D’Angèle Elisabeth, 2009, “Mes yeux, mes lèvres, mes doigts bleus”, les éditions de l’officine, 109 pages

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