8,9 millions. C’est le nombre estimé de grands-mères en France, d’après le dernier recensement effectué en 2011 par l’Insee. On le devient à 54 ans en moyenne et après 75 ans, on compte environ 5 petits-enfants. Voilà pour les chiffres. Mais derrière les statistiques, il y a une multitude de façons d’exercer sa "grand-méritude" et c’est justement ce qui a intéressé la psychiatre et chercheuse Vivianne Kovess-Masfety en recueillant dans son livre le témoignage de quarante-cinq grands-mères d’aujourd’hui. Plongée dans l'univers des mamies 2024 !
Comment accueille-t-on le fait de devenir grand-mère ? "Pour la grande majorité des intéressées, ce n’est que du bonheur !" affirme la psychiatre. "Beaucoup d’entre elles ont craint de ne pas l’être, soit parce que leurs enfants n’en voulaient pas, soit parce qu’ils n’y arrivaient pas." Une joie confirmée par Catherine, heureuse grand-mère de trois petites –filles de 8 et 5 ans, ainsi qu'un bébé de 4 mois et demi. N’a-t-elle eu pourtant le sentiment de prendre un "petit coup de vieux ... ou de vieille ?" Au contraire ! "Ca a été un rajeunissement de retrouver des bébés et des petits -enfants dans sa vie !"
Mais comment appelle-t-on les grands–mères aujourd’hui ? Finies les mémés ! "Il y a le camp des mamies et le camp de tous les autres." souligne Vivianne Kovess, avec plusieurs niveaux. D'abord les authentiques : "Grand-mère ou grand-Ma". Ensuite les "modeuses, Granny à l’anglaise, Baba à la russe ou Nonna, à l’italienne". Les aristocrates: "Bonne-maman ou BM", ou encore les "jeunistes", qui préfèrent se faire désigner par leurs prénoms. "Il y a une forme de tradition familiale.", constate l’épidémiologiste. "Mais aussi celles qui laissent leurs enfants, voire leurs propres petits-enfants décider, souvent avec un premier mot qu’ils n’arrivent pas à prononcer." Le cas de Catherine, devenue Mika, contraction de Mamie et de Catherine. Fan par ailleurs du chanteur franco-libanais !
Cela dit, quel temps les grands-mères sont-elles prêtes à accorder à leur nouvelle descendance ? Si seulement 3% d’entre elles gardent leurs petits-enfants à plein temps, la grande majorité n’a pas envie de s’imposer une contrainte, en se fixant par exemple le mercredi comme jour fixe. Par contre, elles répondent présentes pour les petites vacances ou pendant les grandes d’été et bien sûr, en cas de dépannage, maladie ou baby sitters défaillantes, même si elles n’en sont pas ! Comment leurs propres enfants perçoivent-ils ce besoin de liberté ? "Tout dépend de la relation que vous avez eu avec eux." avance la psychiatre. "Certains comprennent que leur ayant tout donné quand vous les éleviez, vous ayez du temps pour vous. Et puis d’autres vont exploiter des grand –mères qui n’osent pas dire non et se retrouvent crevées après des week-ends épuisants à jouer les nounous !" Car le burn-out grand-maternel, ça existe aussi !
Garder, oui. Mais qui commande ? Selon quels principes éducatifs ? Un compromis : celui de "la loi du sol". Autrement dit, quand les petits enfants sont chez Mamie, ce sont ses règles qui s’appliquent. "On a le droit d’avoir ses petites manies et c’est intéressant pour l’enfant de voir que tout le monde n’a pas les mêmes règles." observe la psychiatre. A condition de ne pas être trop sévère, car les petits enfants pourraient refuser de venir.
Surtout , là où ça se complique, c’est lorsque toute la famille se retrouve sur le même toit. "Il faut alors respecter le choix des parents." estime Vivianne Kovess. Et Catherine "Mika" avouer même dans ce cas-là faire deux pas et demi en arrière :" ma petite fille est moins sympathique avec moi quand ses parents sont là et la mère pas forcément satisfaite quand je propose d’aider, comme donner le bain." A chacun de trouver donc un modus vivendi qui satisfasse les générations.
Menus bio ou végans , gestion des écrans, éloignement géographique, petits enfants adoptés, autant de défis auxquels les grands-mères d’aujourd’hui peuvent être confrontés. Parmi les tensions, la place à tenir en cas de famille recomposée ou de divorce. Des grands –mères qui n’hésitent d’ailleurs pas à soutenir belle-fille ou gendre au détriment de leurs propres enfants adultes quand ceux-ci n’ont pas eu un bon comportement, infidèles notamment !
Des mamies aussi lanceuses d’alerte quand elles constatent que leurs petits -enfants ne vont pas bien et que les parents ne le voient pas, cas d’un harcèlement scolaire ou de phobies. "Une situation où il faut aller avec une grande prudence." souligne Vivianne Kovess. "Arriver à le dire pour que les parents puissent l’entendre" sans se sentir coupables, devenir agressifs et couper les ponts.
En bref, des grands–mères qui s’investissent affectivement pour la plupart. Mais que vont devenir ces liens quand les petits enfants grandiront ? "Même s’ils reconnaissent qu’ils leur ont apporté beaucoup, les petits enfants vont vivre leur vie et une distance va forcément se créer. Il faut l’accepter." estime Vivianne Kovess. D’où l’importance d’établir des "beaux souvenirs communs qu’on ne pourra pas enlever" renchérit Catherine. Des petites graines qu’elle plante déjà avec ses petites filles. Des grands–mères qui pourront aussi servir de modèles inspirants « La littérature regorge d’exemples en ce sens.*" rappelle Vivianne Kovess. "Et ça pourra laisser des traces à long terme." Autant de bonnes raisons donc de ne pas les oublier ce dimanche 3 mars !
Pour aller plus loin :
"Etre grand-mère aujourd'hui" de Vivianne Kovess-Masfety. Editions Odile Jacob 2023
*"Mémé" de Phillipe Torreton. Editions L'iconosclaste 2014
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !