1300. C'est en moyenne le nombre de photos et vidéos postés sur le net pour un enfant à l'âge de 13 ans. Mais quels risques y-a-t-il à étaler leur vie systématiquement et sans leur consentement ? Quelles conséquences pour leur construction psychologique ? Que dit la loi sur leur droit à l'image ?
Le point avec Marie-Line Stenger, thérapeute familiale et Elisa Jadot, journaliste, réalisatrice du documentaire "Enfants sous influence, surexposés au nom du like" diffusé sur France 5.
"L’autre jour, je suis tombée sur une vidéo d’un petit garçon en train de prendre son bain. Sa maman le filmait. Mais lui, il lui demandait d’arrêter. Et elle continuait ». Des images qui ont mis mal à l’aise Elsa, 9 ans. Et elle n’est pas la seule à se poser des questions.
"Que ce soit par échographie ou photo du test de grossesse, aujourd'hui, un tiers des enfants qui naissent ont déjà une existence numérique", souligne Elisa Jadot, réalisatrice du documentaire "Enfants sous influence surexposés au nom du like". Et tout est bon après pour appuyer sur le bouton : premiers pas, anniversaires, vacances ou chutes en trottinette ! Mais un enfant peut-il vraiment s’opposer à ce que les parents le filment ? "C’est compliqué, il peut y avoir un conflit de loyauté", estime Marie Line Stenger, thérapeute familiale » L’enfant veut faire plaisir. Et ne pas courir le risque d’être moins aimé s’il refuse. "Il veut aussi éviter de passer pour le vilain petit canard » face à des frères et sœurs plus mignons et qui auront moins de scrupules à poser.
Mais qu’est-ce qui pousse des parents à poster systématiquement leur progéniture sur internet ? "C’est vivre à travers ses enfants", considère Marie Line Stenger, "se valoriser en montrant qu’on est une super famille." Un mensonge bien éloigné de la réalité pour Cam, jeune américaine, la première au monde à témoigner dans le documentaire des ravages de cette enfance étalée sur Facebook. "A 9 ans, ma mère a annoncé que j’avais eu mes règles et je recevais des messages pour me féliciter d’être devenue une femme !". L’enfant mis en scène, devenu objet de divertissement, voir parfois d’humiliation, qui peut générer des clics. De quoi attirer l’attention de marques et le début d’un engrenage où le bambin se transforme un véritable fond de commerce. Une dérive bien démontrée dans le roman glaçant "Les enfants sont rois" de Delphine de Vigan.
Des images qui intéressent aussi les réseaux pédo criminels. Et Elisa Jadot de citer cette banque de données pornographiques de 75 millions d’images, toutes tirées des post familiaux sur le net. Des voix et des vidéos innocentes qu’on peut aujourd’hui truquer artificiellement pour "transformer vos enfants en véritables stars de films pornographiques." Sans oublier que rien aussi n’est effacé sur le net. Montrer un enfant souffrant d’une maladie peut amener plus tard des assurances à lui refuser un prêt.
En bref, un droit à l’image qui mérite d’être mieux encadré. C’est l’objet d’un projet de loi qui vient d’être relancé, grâce d’ailleurs au documentaire d’Elisa Jadot. Il vise à instaurer une "déchéance parentale numérique" à tout parent qui abuserait de l’image de ses enfants. En attendant, évitez les vidéos d’enfants en maillot de bain ou dans sa chambre. Et s’il refuse d’être pris sous l’objectif, "respectez sa volonté ", rappelle Marie-Line Stinger. La photo d’un beau dessin suffira pour maintenir un lien à distance avec papi et mamie !
Pour aller plus loin :
Le documentaire d'Elisa Jadot "Enfants sous influencesurexposés au nom du like" disponible en replay sur la plate-forme de France tv. https://www.france.tv/documentaires/societe/5216163-enfants-sous-influence-surexposes-au-nom-du-like.htmlin
"Les enfants sont rois" de Delphine de Vigan. Version poche éditée chez Folio
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