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Élevage industriel et corrida : que dit l'Église catholique ?

RCF, le 17 juillet 2023 - Modifié le 17 juillet 2023
Où va la vie ? La bioéthique en podcastQuelle éthique animale ? 3/4 : Pour un animal, qu'est-ce qu'une vie accomplie ?

Alimentation, chasse, spectacle et corrida... De plus en plus les chrétiens s'interrogent sur la relation entre l'homme et l'animal. Avec Laudato Si' et l'enrichissement des connaissances sur le comportement animal, on est désormais invités à se questionner : qu'est-ce qu'une vie accomplie pour un animal ? On en parle avec le jésuite Éric Charmetant, philosophe et professeur de philosophie au Centre Sèvres (Paris).

Spectacle de Corrida. ©UnsplashSpectacle de Corrida. ©Unsplash

Éthique animale : la réflexion des chrétiens avance

Qu’est-ce qu’une vie accomplie pour un animal ? La question peut sembler curieuse - pour un humain il est déjà si difficile d’y répondre ! C’est cependant la question que pose le théologien canadien John Berkman, qui approfondit la notion "d’éthologie théologique". Les connaissances en éthologie, étude du comportement animal, se sont en effet considérablement enrichies ces dernières années. Nombreux sont les chrétiens qui s’en emparent pour nourrir leur réflexion.

Surtout, quand on pense à certaines conditions d’élevage, régulièrement dénoncées dans les médias, la question prend un sens aigu et même un caractère d’urgence. Quelle éthique chrétienne par rapport à l’élevage ? Que dit l’Église catholique du XXIe siècle sur l’élevage ? Si avec Laudato Si’, le pape François a rappelé la valeur intrinsèque des animaux, il est resté manifestement "assez prudent sur les questions d’élevage", notre Éric Charmetant.

 

Penser l'élevage en chrétien

En Angleterre, le théologien David L. Clough a beaucoup travaillé sur l’approche théologique de l’élevage. Il a développé un programme de réflexion éthique en lien avec l’Église catholique d’Angleterre mais aussi différentes Églises protestantes, ainsi que éleveurs. Leurs conclusions ? Ne pas séparer un petit de sa mère au risque de créer un traumatisme pour le sujet animal, avoir des vies plus longues, ne pas être enfermé 24 heures sur 24 dans des cages… Bref, le moment est venu de "sortir des formes d’élevage industriel telles que nous les connaissons", résume le jésuite. Cela suppose pour les éleveurs de remettre en cause leur standards de production et leurs modalités de rentabilité. "Il faut revoir aussi la manière dont on consomme de la viande, dont on la produit, payer aussi plus les éleveurs."

Modifier les conditions d’élevage, cela suppose de consommer moins de viande. En fait, la consommation quotidienne ou presque de viande est quelque chose de très récent dans l’histoire de l’humanité : c’est cela qu’il faut remettre en question, selon Éric Charmetant. Il plaide pour "des formes de production de viande qui correspondent à un respect de ces vies animales". Par quelle espèce de logique en est-on arrivés à adopter cette vision de l’animal qui passa sa vie en cage, comme s’il n’était qu’un "ensemble de protéines" ?

 

L’Église reste prudente sur la chasse et la corrida

En France certains candidats à la présidence de la République proposent d’interdire la chasse le week-end. Ce qui soulève évidemment une levée de boucliers. On le sait, le sujet est sensible et l’opposition très forte entre écologiste et chasseurs. Du côté de l’Église "sur ces questions très conflictuelles, on peut dire qu’on reste un peu dans le flou... ou dans la prudence !", note le jésuite. Il observe que "si on était plus sensible à cette interdépendance des écosystèmes" on saurait que "réintroduire des loups diminuerait les besoins de chasser les animaux qui pullulent". Mais les chasseurs, dont certains aiment se dire régulateurs de biodiversité, donc écologistes, "ne sont sans doute pas mécontents qu’il y ait un surnombre de sangliers…" avance Éric Charmetant.

Au XVIe siècle la corrida avait été sévèrement condamnée par le pape Pie V, dont la Bulle De salute Gregis dominici excommuniait clercs et laïcs participant ou organisant une corrida. Ce spectacle rituel qui met en jeu une certaine relation entre l’homme et l’animal, a été introduit en France "dans sa forme espagnole au milieu du XIXe siècle", rappelle Éric Charmetant. Aujourd’hui, "compte-tenu de ce que l’on connaît de la sensibilité animale, a-t-on vraiment encore besoin de ce type de spectacle ?" questionne le jésuite. Les chrétiens sont invités à se demander : "Qu’est-ce que ça apporte ? Est-ce que l’être humain a besoin de ça pour son chemin vers le Seigneur ?"

 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Où va la vie ? La bioéthique en podcast
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