Il y a trois ans, le 13 novembre 2015, Paris était tragiquement touché par des attentats d’une rare barbarie : aux abords du stade de France, dans les rues, en terrasse, lors du concert donné ce soir-là au Bataclan... Au total ce sont 130 personnes qui ont été tuées par des terroristes islamistes, sans compter les blessés et tous ceux qui restent marqués à vie, traumatisés, par cette violence aveugle déchaînée au nom de Dieu. "Nous n'oublierons jamais cela", dit Ghaleb Bencheikh, qui ajoute que lorsque la violence "se déchaîne au nom de Dieu, ceci heurte notre conscience".
Pourquoi cette violence ? Pourquoi y mêler le nom de Dieu ? Les religions sont-elles sources de fondamentalisme ? Au micro d'Antoine Bellier, des représentants des trois grands monothéismes appellent à lutter inlassablement contre cette instrumentalisation du divin.
"L'œil était dans la tombe et regardait Caïn." (Victor Hugo, La Conscience, in "La légende des siècles", 1859) L'histoire de Caïn et Abel, telle qu'elle est racontée dans la Bible, la Torah et le Coran - les textes fondateurs des trois monothéismes qui présentent une vision anthropologie de l'histoire humaine - est celle de la rivalité entre frères à l'origine de la civilisation : mais comme le dit Gérard Haddad, "la violence est fondatrice à condition d'être dépassée". On peut penser avec Ghaleb Bencheikh que "les hommes n'ont pas médité [les textes fondateurs] suffisamment"...
"La notion de frère doit être explorée dans chacune de nos traditions pour dépasser cette violence qui peut s'immiscer à tout moment et être instrumentalisée par les uns et les autres", encourage le Père Fautrad. Si les situations de rivalité entre frères reviennent constamment dans les textes fondateurs, il existe une exception : l'histoire d'Isaac et Ismaël, deux frères qui s'apprécient. Le premier étant le fils d'Abraham, figure centrale du judaïsme et le second un des prophètes de l'islam.
Dans son livre "Ismaël et Isaac ou la possibilité de la paix" (éd. Premier parallèle), troisième volet d'une série consacrée à l'origine de la violence humaine, Gérard Haddad montre comment, ironiquement, le plus grand exemple de fraterniteÌ heureuse est donneÌ par ceux-laÌ meÌmes dont les descendants, pris dans le conflit israeÌlo-palestinien, se deÌchirent aujourd’hui. La rivalité entre frères est pour les chrétiens dépassée grâce au Christ, "qui manifeste la miséricorde comme capacité de réalisation", explique le Père Fautrad.
Pourquoi, lors des attaques terroristes notamment du 13 novembre 2015, le nom de Dieu a-t-il servi de prétexte à un déchaînement de violence ? Les religions sont-elles sources de violence ou de fanatisme ? Gérard Haddad nous invite à ne pas occulter ce qui se trouve derrière ce fanatisme religieux au XXIe siècle : un fanatisme nationaliste. "On ne peut pas oublier que derrière ce fanatisme islamique il y a un fanatisme nationaliste, rappelle-t-il, les gens qui ont créé Daech ce sont des sunnites irakiens qui avaient subi une grande défaite militaire écrasés par les Américains." Il ajoute : "La plaie du monde c'est le nationalisme."
Lors des attentats contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, on avait beaucoup évoqué la notion de blasphème. Quel est le vrai blasphème ? Y a-t-il plus grand péché que de faire porter à Dieu la responsabilité de la violence ? Accoler le nom de Dieu à l'idée de violence c'est "antinomique", dit le Père Fautrad, "par rapport à ce que Dieu dit de lui-même dans la révélation biblique".
Pourquoi les terroristes utilisent-ils la religion et Dieu pour justifier leur violence ? Si "l'homme prend en otage le divin", comme le dit Ghaleb Bencheikh c'est qu'il lui faut "trouver un adjuvant pour sa propre violence en la sacralisant : l'homme le plus souvent s'autoproclame procurateur de Dieu, défenseur exclusif de ses droits pour cautionner cet élan vers la violence, cette inclination vers la barbarie". L'islamologue rappelle qu'il y a là "un défi majeur", un "enjeu de civilisation". À chacun de lutter "inlassablement" et d'œuvrer "pour que les germes d'intolérance ne soient pas cautionnés par le divin".
Ainsi il est urgent, dans notre projet de civilisation, d'interroger comme le dit le Père Fautrad, notre "rapport à la vérité et à l'identité". Pour les chrétiens, la vérité c'est la personne du Christ : "Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie" (Jn 14, 6), dit-il dans l'Évangile. Si donc la vérité est une personne, "elle ne peut s'ériger en idéologie, mais comme quelque chose à découvrir, à contempler". Par ailleurs, au sujet de l'identité on pourra méditer ceci : Jésus est pour les chrétiens l'une des trois personnes de la Trinité. "Dieu est en lui-même un dialogue, une relation, source inépuisable d'amour."
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