Strasbourg
Gad Elmaleh s'est-il converti au catholicisme ? "Non", répond-il car il pense que l'on naît et que l'on meurt juif. Sa démarche spirituelle, qui est le sujet de son film "Reste un peu" (sorti ce mercredi en salles), il faut plus l'entendre comme un élan, une soif de dialogue, plutôt qu’un changement radical de communauté. Mais parler des religions en France c'est bien souvent aborder des sujets tabous, observe l'humoriste. Il observe que son film "libère la parole"...
Le film de Gad Elmaleh, "Reste un peu", vient de sortir en salles. On parle de conversion ou de "coming out catho" de l’humoriste parmi les plus populaires en France. Une communauté qui perd l’un des siens, une autre qui gagne un baptisé ? Le scénario n'est pas si simple... Gad Elmaleh entend aller au-delà. Il plaide pour la rencontre et le dialogue entre croyants. Et s’il reproche aux catholiques de ne pas assumer leur foi, il montre dans son film "des croyants qui portent une lumière". Va-t-il encourager les chrétiens à parler de leur foi ? L'humoriste observe déjà qu'il "libère la parole" sur la religion.
Jean-Marie. C’est le nom que Gad Elmaleh a choisi de recevoir pour le baptême. Un nom en hommage à Jean-Marie Lustiger, juif converti devenu cardinal archevêque de Paris, de 1981 à 2005. Faut-il donc l’appeler Jean-Marie ou Gad ? "Non, on continue à m’appeler Gad, répond l’acteur, bien que Jean-Marie est indéniablement un hommage à Jean-Marie Lustiger que j’aurais tellement, tellement aimé rencontrer dans la vie."
Le film de Gad Elmaleh raconte le cheminement de l’acteur jusqu’au baptême. Il fait partie du groupe des catéchumènes de la paroisse Saint-Cécile à Boulogne-Billancourt. À la question : êtes-vous catholique ? Il répond : "Non. La réponse du baptême en tout cas est dans le film. Et puis je pense qu’on naît juif et qu’on meurt juif, à l’image du cardinal Lustiger. Si la question c’est de savoir est-ce que j’ai reçu le baptême, la réponse est dans le film…" Il faut sans doute entendre la démarche de Gad Elmaleh plus comme un élan, un intérêt, une soif de dialogue, qu’un changement radical de foi, de religion ou de communauté. "Ce n’est pas un transfert de joueurs", ironise-t-il.
"Le point de départ", explique Gad Elmaleh, c’est la Vierge Marie. "La rencontre avec Marie, c’est la rencontre avec l’émotion, le bouleversement de cette rencontre, petit, dans une église de Casablanca au Maroc, où je n’avais pas le droit de rentrer..." L’acteur en parle souvent dans son film. "Pour une raison que je ne peux pas expliquer, que je ne veux pas expliquer, je suis touché, ému et ça m’accompagne toute ma vie." La mère de Jésus occupe une place centrale dans sa démarche et son désir d'aller vers les catholiques. "Ça part de Marie et là après je continue et je l’emmène avec moi." Pour autant, Gad Elmaleh précise : "Ce n’est pas une apparition – on essaie souvent de me dire « mais alors est-ce qu’il y a quelque chose de mystique ? » Peut-être ! En tout cas c’est ce que j’ai reçu."
Gad Elmaleh se rapproche des catholiques à l'heure où l'institution traverse une grave crise. Mais elle ne représente cependant pas un obstacle pour Gad Elmaleh. "Les dérives de l’Église, elles me révoltent, elles me révoltent avant tout ni en tant que juif ni en tant que personne qui regarde le christianisme ni en tant que Marocain, mais en tant qu’humain tout simplement, avant toute chose… Il y a tout, il y a de la tristesse, de la colère, je suis dégoûté. Je suis souvent en colère, j’en parle beaucoup." Mais il précise que ce n’est pas le sujet de son film. "L’histoire de mon film, elle va aussi volontairement vers des catholiques qui portent une lumière qu’il faut entendre aussi dans leur pratique, dans leur vision du catholicisme, de l’Église. C’est eux que je montre." Dans "Reste un peu", un prêtre joue son propre rôle. C’est le "Père Bart", ou Barthélémy Port, curé de la paroisse Sainte-Cécile et frère de la communauté Saint-Jean. Prêtre avec qui l’acteur a noué des liens forts.
C’est l’un de ses leitmotivs. Gad Elmaleh trouve qu’en France, les catholiques ont du mal à parler de leur foi et que les chrétiens ne l’assument pas. La faute à la laïcité ? "Je suis attaché à la laïcité, dit-il, mais en même temps j’ai envie qu’on laisse place à la spiritualité, à la foi et à comment on veut manifester, célébrer, montrer notre foi." La faute aussi, sans doute aussi aux catholiques eux-mêmes, d'après lui : "Après, c’est la responsabilité des catholiques aussi, que je taquine avec beaucoup d’affection, sur le fait d’assumer ou pas leur foi. Parce que là-dessus moi je ne juge pas mais je suis un peu perplexe parfois et je ne comprends pas pourquoi les catholiques en France ont du mal avec parler de leur foi." Le film de cet humoriste populaire aura-t-il pour effet de décomplexer les catholiques ? "Moi je les caricature dans mon spectacle, je dis vraiment que les cathos à un moment donné il y a un problème, quoi !"
"J’observe, quand on fait des projections dans les salles, que ça libère la parole." Gad Elmaleh reçoit de nombreux témoignages sur la religion. "Vous ne pouvez pas savoir ! Là, il y a quelques jours, j’ai fait une projection. À la fin du film, au festival de Sarlat, il y a une dame qui se lève et qui dit : « Je suis musulmane, mon mari est chrétien mais athée, et comme je veux que mes enfants fassent du catéchisme, ils le font en cachette, le père n’est pas au courant. » J’ai dit : « ouh là là je ne comprends plus rien, quoi ! »" Pour l’humoriste, ce sont autant "d’histoires personnelles, qui sont bien plus complexes qu’on le pense et qui méritent d’être écoutées pour qu’on arrive à une vraie fraternité".
Briser le tabou de la foi, de la pratique religieuse et du dialogue entre les communautés, c’est le pari que fait Gad Elmaleh avec son film "Reste un peu". Cette année il s’apprête à fêter un Noël "différent". "Ça va être peut-être différent parce qu’il va y avoir, je pense, un Noël de fraternité cette année. Et ça j’adore faire ça !" À l’image de ce shabbat qu’il a célébré avec le Père Barthélémy : "On a fait les prières juives et il a béni aussi le repas. Je trouve que ça, c’est des moments importants, des moments de fraternité réelle. Ce n’est pas le vivre ensemble institutionnalisé, politisé…"
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !