Cette année, le drapeau breton fête ses 100 ans. Symbole de toute une région, signe d'attachement des Bretons à leurs terres, il est brandi dans les stades de foot, les concerts, parfois même à l’étranger. Quelles sont les origines de cette identité bretonne ? Éclairage de Joël Cornette, historien, spécialiste de l'Ancien Régime, auteur du livre "Une brève histoire de l'identité bretonne - De Himilcon à nos jours" (éd. Tallandier).
"Ils ont le cœur fier, l’habilité qui amène le succès, la passion innée du commerce." Voilà comment le navigateur carthaginois Himilcon décrivait les Bretons en 500 avant notre ère. Plus de 2.000 ans plus tard, cette description est presque inchangée. Du fait même de la nature géographique de la Bretagne : projetée vers la mer. Jules César s’est enorgueilli d’avoir vaincu les Vénètes sur leur terrain de jeu, la mer. Redoutés, les Bretons le sont restés longtemps. Au VIe siècle, l’historien Grégoire de Tours les a décrits comme des barbares. Pour lui qui appartenait à une grande famille gréco-romaine, les Bretons n'étaient "pas civilisés", explique Joël Cornette. Et s’il pense cela c’est parce qu’ils viennent d’ailleurs, de Grande-Bretagne.
La Bretagne aurait pu avoir le destin d’un Portugal ou d’une Suède si elle n’avait pas ce très puissant voisin qu’est la France et qui a considéré que la Bretagne lui a toujours appartenu
Si l’identité des Bretons est si forte, c’est parce qu’ils ont une culture, une langue différente, (bien que surtout parlée par les paysans, les artisans et les commerçants) et même une religion particulière puisqu’ils ne pratiquent pas tout à fait le même christianisme que dans le reste de l’État mérovingien. Autant de « différences qui ont fait que cette "nation" va petit à petit s’autonomiser, notamment par la résistance aux Mérovingiens », ajoute l’historien.
Pendant de longs siècles, ce bout de terres entre la Manche et l’Atlantique va ainsi connaître son propre gouvernement, un duc, des impôts, une chancellerie, un conseil, une administration, c’est-à-dire tous les ingrédients des états territoriaux. "La Bretagne aurait pu avoir le destin d’un Portugal ou d’une Suède si elle n’avait pas ce très puissant voisin qu’est la France et qui a considéré que la Bretagne lui a toujours appartenu", estime le spécialiste.
Il faudra attendre 1532, après une succession de déconvenues pour que la Bretagne soit rattachée officiellement au royaume français. Nous sommes alors 44 ans après la signature du traité du verger. Traité "très humiliant pour les Bretons" : il prévoit que l’héritière du duché ne peut se marier sans l’accord du roi de France. Cette héritière, c’est la célèbre Anne de Bretagne. En 1491, et à seulement 14 ans, elle fut ainsi mariée de force au roi de France Charles VIII. À la mort de ce dernier, elle se remarie avec Louis XII à Nantes (tout un symbole). Ce faisant, elle redonne à la Bretagne une certaine liberté administrative et fiscale. Mais ce semblant d’autonomie prend définitivement fin en 1532 donc, avec la signature à Vannes du traité scellant l’union de la France et des États de Bretagne, qui transforme le duché en province.
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Aujourd’hui, "la revendication de l’autonomie bretonne s’est dépolitisée. Et paradoxalement, cette identité est forte de nouveau mais elle n’est plus en contradiction avec la nation France. Elle est culturelle, presque affective, il y a quelque chose d’invisible dans ce sentiment d’appartenance", décrypte Joël Cornette. Et si les Bretons se sentent désormais bretons, français et européens à la fois, ils n’ont pas perdu leur esprit grégaire et contestataire. "Dès que les Bretons se sentent agressés, ils résistent et ça c’est une constante inscrite dans la très longue durée", note le spécialiste.
Un des derniers exemples de cet esprit de résistance, c’est la révolte des bonnets rouges contre l’éco-taxe en 2013. "Ça a surpris les observateurs que des paysans, des patrons, des agriculteurs, des employés puissent revendiquer ensemble. Disons que ça court-circuitait les idées qu’on se faisait des syndicats et ça prouve bien qu’il y a transcendant toutes les divisions une identité à la fois régionale mais aussi presque de nation", analyse Joël Cornette.
Et quand ce n'est pas pour des revendications sociales, c'est pour la réunification de leur région qu'ils manifestent. En 2014, plusieurs milliers de personnes avaient défilé dans les rues de Nantes pour réclamer la réintégration de cette ville mais aussi de la Loire-Atlantique en Bretagne. Depuis, les manifestations continuent mais avec moins de monde dans le cortège. Peut-être est-ce pour ce trait de caractère résistant qu’Uderzo, le père d’Astérix, a choisi d’implanter son village fictif d’irréductibles Gaulois en Bretagne du Nord...
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