Abd Al Malik n’est pas du genre à faire de la philosophie de comptoir. Le rappeur quatre fois primé aux victoires de la musique, poète, écrivain, réalisateur de films et de séries, a une sagesse d’esprit aussi impressionnante que son parcours. Un parcours de Paris, à Brazzaville, en passant par le difficile quartier populaire de Neuhof à Strasbourg, qui l’a fait grandir jusqu’à devenir l’artiste complet qu’on connaît.
Rappeur, poète, écrivain et réalisateur… Un quotidien d’artiste riche et rythmé, avec pour fil conducteur « la poésie et la spiritualité ». « C’est ça pour moi le lien fondamental », sourit-il. Ces activités ne sont pour lui que « différents médiums pour [le] connecter aux autres ».
S’il parle de spiritualité, c’est qu’elle tient une grande place dans sa vie. C’est d’ailleurs sa foi, d’abord catholique puis musulmane, qui l’a extirpé de la petite délinquance, puis de l’islam radical. Brillant élève dans son collège privé catholique le jour, celui qui s’appelle encore Régis, est de tous les larcins la nuit dans son quartier de Neuhof à Strasbourg. C’est à cette époque qu’il découvre l’islam au gré de ses lectures. « J’ai lu quelque chose sur l’islam qui était plus en phase avec qui j’étais. Je n’avais pas l’impression de quitter le catholicisme de mes parents, affirme-t-il encore aujourd’hui, pour moi c’était une sorte d’approfondissement, de continuation ».
Mais rapidement, le jeune homme passe « de la délinquance à la délinquance spirituelle ». L’environnement fait de violences et d’injustices dans lequel il évolue, les amis et la mosquée qu’il fréquente, font que « petit à petit, cette démarche sincère, réelle, spirituelle se corrompt un peu », raconte-t-il. Il bascule « dans quelque chose qui est plus de l’ordre de la de l’idéologie » : l’islam radical. Il gravite dans ce milieu pendant presque sept ans.
A l’entrée dans la vie adulte, le jeune intellectuel prend de plus en plus conscience du « décalage entre ce [qu’il] peut lire du prophète, cette idée d’empathie, d’amour », et l’interprétation qu'en font les gens. « Ça ne fonctionnait plus chez moi », relate-t-il. Convaincu que l’on a tous une responsabilité dans ses choix, celui qui s’est renommé entre-temps Abd Al Malik trouve dans la lecture une autre voie, plus raisonnée : celle du soufisme. « Ce n’est pas une branche de l’islam, c’est le cœur de l’islam », estime-t-il. La rencontre avec son maître spirituel au Maroc, ainsi qu’avec d’autres intellectuels proches de cette mouvance mystique, lui font découvrir une spiritualité apaisée, saine et libre.
Désormais, sa spiritualité imprègne chaque aspect de sa vie de père de famille et d’artiste. « Je vis pour cette idée d’être vraiment en phase avec ma nature essentielle qui est cette pauvreté intérieure, c’est-à-dire être vraiment en écho avec la réalité de mon être. C’est le fait d’être en accord avec tous les êtres humains, mais aussi les éléments, les animaux ». Ce souhait de vivre en harmonie lui donne une forme d’humilité. Aussi sa notoriété est pour lui « un papier cadeau » renfermant le cadeau qu’il veut transmettre à son public : « le fait de vivre positivement ensemble ». Un message d’amour, d’écoute et de tolérance qu’il tente aussi de léguer à ses quatre enfants.
Cette spiritualité, c’est sans doute le point commun qu’il partageait avec la chanteuse Juliette Gréco, décédée en 2020 à l’âge de 93 ans. Muse de l’existentialisme avec qui il a lié une profonde amitié, malgré leurs 48 années de différence. « Je la vois totalement comme un être mystique. La chose la plus importante pour elle, c’était la liberté et l’amour […] et de mon point de vue c’est éminemment spirituel », lance-t-il. Trois ans après la mort de son amie, Abd Al Malik lui rend hommage dans son nouveau livre Juliette, publié chez Robert Lafont.
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