Après quatre ans d'un chantier titanesque, le Grand Hôtel-Dieu de Lyon a enfin ouvert ses portes le 27 avril 2018. Le défi pour son architecte était de faire de ce lieu de vie un espace qui reste accessible au grand public. Et de magnifier un trésor de notre architecture, comme un hommage aux artisans qui l'ont façonné au fil des siècles. Rencontre avec Albert Constantin.
Pourquoi ce bâtiment a-t-il "une telle unité alors qu'il y a cinq siècles de construction qui se sont agglutinés, qui se sont enchevêtrés, qui ont formé une concrétion très homogène" ? Question passionnante pour un architecte. Les travaux d'études ont duré cinq ans. Cinq ans pour trouver un accord entre maîtrise d'œuvre, maîtrise d'ouvrage... Et se laisser envoûter par une histoire exceptionnelle. Les premières fondations datent du XIIè siècle. Dès le XVIIIè siècle, on a suivi les plans de Soufflot, "mais il n'y a pas eu que Soufflot". Pour Albert Constantin, "on ne parle pas assez de Paul Pascalon [1838-1914], qui a fait un travail de couture sur Soufflot ce qui n'était pas évident".
Classé Monument historique en 2011, l'Hôtel-Dieu a cessé d'être un hôpital en 2010. Il a surtout failli quasiment disparaître : un projet de démolition au XXè siècle ne devait en laisser qu'une toute petite partie. C'était au temps où Edouard Herriot était maire de Lyon et Tony Garnier l'architecte officiel de la ville. Détruire un tel ensemble : aujourd'hui, ce serait "inimaginable" !
Et pourtant, cela n'a pas été simple pour les équipes d'Albert Constantin et Didier Repellin, architecte en chef des monuments historiques, "un des meilleurs dans sa profession". Ainsi, la partie sud présentait un certain nombre de difficultés. "Au départ on ne savait pas du tout ce que l'on pouvait tirer de cet espace délaissé c'était la morgue... Difficile d'imaginer qu'on en ferait une des zones les plus attractives de l'ensemble !"
"Une critique qui m'avait beaucoup touchée." Quand il a été question de faire de l'Hôtel-Dieu un ensemble privé, des voix se sont élevées critiquant l'abandon de la fonction sanitaire et sociale du bâtiment, pour en faire un centre commercial et une hôtellerie de luxe. "Au départ les Lyonnais ne comprenaient pas que la mairie de Lyon décide de livrer à un privé un bâtiment de cette importance... ça touchait leur affect."
Situé sur la Presqu'île, au cœur de la ville, à deux pas de la place Bellecour, l'Hôtel-Dieu a vu naître des générations de Lyonnais, "c'était la grande maternité de Lyon". Pour Albert Constantin : "Il fallait respecter ça. C'est pour ça que dès le départ on a dit il ne faut pas privatiser cet Hôtel-Dieu, il faut le rendre aux Lyonnais, il faut l'ouvrir à tous."
Ce pourquoi l'ensemble comprend aujourd'hui 8.000 m² de cours et de galerie : "Pour les faire vivre on a mis des commerces : on a tout de suite expliqué aux gens que le commerce a toujours existé à l'Hôtel-Dieu, il fallait rentrer de l'argent pour faire vivre les malades." Au total le chantier aura permis de réhabiliter et reconvertir 42.000 m² de bâtiments en 17.000 m² de commerces et restaurants mais aussi logements, bureaux... L'Hôtel-Dieu abrite aussi la cité internationale de la gastronomie, et bientôt un hôtel Intercontinental 5 étoiles, dont l'ouverture est prévue pour le 2è trimestre 2019.
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