C'est album désopilant basé sur une histoire vraie. "Le Ministre et La Joconde" égratigne encore un peu plus l’image d'André Malraux et ajoute un chapitre à la légende de la Joconde.
Dans "Le Ministre et La Joconde", ce n’est pas n’importe quel ministre ! C’est André Malraux, Compagnon de la Libération, immense écrivain et ministre d’État en charge de la Culture. Et donc en plus de toutes ces qualités, André Malraux aurait un potentiel comique, c’est un détail qui avait jusqu’à présent échappé aux observateurs et aux historiens... mais pas à l'œil taquin des auteurs de cette bande dessinée !
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de ministre et de Joconde ? En couverture, André Malraux tient le tableau dans ses bras, il n’a pas l’air vraiment à son aise et en arrière-plan un formidable paquebot... Ne serait-ce pas le célèbre France ? Imaginez-vous qu’en 1962, le ministre d’État chargé de la Culture, le susnommé André Malraux, réussi à convaincre le président de la République Charles de Gaulle de prêter Mona Lisa à la National Gallery de Washington.
Le tableau doit transiter à bord du France, symbole du prestige de la France gaullienne, dans des conditions de sécurité les plus drastiques. Et rien ne va se passer comme prévu puisque très rapidement la Joconde, tenez-vous bien, va disparaître... L'aurait-on cachée dans la cabine de notre ministre de la Culture ? Notre André ne serait pas le premier à qui Mona Lisa aurait fait tourner la tête. Surtout que pendant la traversée, il n’est pas au mieux de sa forme : bouffée d’angoisse, crise de mégalomanie... Le médecin de bord lui donne des amphétamines et même une nouvelle molécule qui vient d’arriver sur le marché le diéthyllysergamide, le LSD quoi… Bon, Malraux avait depuis son séjour à Hanoï un petit faible pour les opiacés mais là, avec le LSD, ça change un peu sa vision des choses et particulièrement le célèbre sfumato de la Joconde sans parler de son sourire ambigu. Bref, notre Malraux est perdu devant tant de beauté, tant de profondeur historique.
Et pendant ce temps, évidemment il y a une enquête, il en va de l’honneur de la France. Malraux pense qu’il va devoir se suicider s’ils arrivent aux États-Unis sans le tableau. C'est un camouflet, un désaveu… Heureusement autour de lui une équipe veille sur son ministre et sur ses débordements : un chef de la sécurité, son conseiller politique, la capitaine du France qui ressemble à De Gaule et surtout madame le conservateur en chef du musée du Louvre qui était totalement opposée à un tel déplacement. Une maîtresse femme qui sait remettre le ministre à sa place en lui rappelant les quelques trafics d’œuvres d’art auquel il a pu être mêlé du côté de la jungle vietnamienne.
Hommage ou caricature de Malraux - ou les deux - les dialogues sont jubilatoires. On rit à chaque page. Malraux devient vraiment un personnage de BD. Cet album, c’est donc une enquête presque à huis clos pour retrouver la Joconde dans le paquebot. La référence aux "Bijoux de la Castafiore", qui sort en 1963, à la ligne clair du créateur de Tintin, est évidente, mais c’est aussi une exploration des travers et des fêlures d’un homme. Et il faut le reconnaître, l’image de Malraux en prend pour son grade. Il en ressort légèrement égratignée mais tellement attachant dans ses excès et son amour souvent grandiloquent pour les artistes.
"Le Ministre et La Joconde", de Franck Bourgeron, Hervé Bourhis et Hervé Tanquerelle, éditions Casterman, 88 p., 20 €
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