"Contes de Noël et autres textes" de Dino Buzzati

Dino Buzzati - 1906-1972 - est un classique de la littérature mondiale. Que ceux qui n’ont pas encore lu Le désert des tartares se précipitent sur le roman époustouflant qui nous parle de l’absurdité de la guerre et du temps qui passe, du désert et de l’ennui… Il faudrait encore parler de La Fameuse invasion de la Sicile par les ours, un conte magnifique au programme de l'Education nationale et devenu un film d’animation en 2019, mais nous sommes dans les préparatifs de Noël, et Dino Buzzati en a des choses à dire sur le sujet. Ce recueil de contes mais aussi de chroniques ne compte pas moins de trente-trois textes, écrits de 1934 à 1971. L'homme de lettres qui fut aussi bien romancier, essayiste, conteur que journaliste, avait manifestement une vraie passion pour les fêtes de Noël, aussi bien pour le côté merveilleux que pour dénoncer les travers d’un évènement commercial…

Adultes ou enfants, tout le monde y trouve son… compte si j’ose dire. On peut suivre le recteur de la cathédrale parti à la recherche de Dieu qui a déserté son église, ou les marins qui, en pleine guerre, installent une toute petite crèche dans un petit coffre du croiseur en pleine mer. J’aime beaucoup le conte publié comme la plupart dans le Corriere Della Sera, qui met en scène l’âne et le bœuf décrochant un passeport pour errer dans les rues de Milan le soir de Noël :

- « Te souviens-tu, demanda l’âme de l’âne à l’âme du bœuf, par hasard est-ce que tu te souviens de cette nuit, il y a des années et des années, où nous nous sommes retrouvés dans une sorte de cabane, et là, dans la mangeoire… »

- « Laisse-moi réfléchir. Mais oui !, confirma le bœuf ! Dans la mangeoire, il y avait un nouveau-né. Comment pourrais-je l’oublier ? Il était tellement beau cet enfant. »

Leur virée est moins réjouissante : « Partout où ils allaient, c’était le même spectacle. Aller et venir, acheter et empaqueter, expédier et recevoir, emballer et déballer, appeler et répondre au téléphone, et tout le monde courait (…) Quelques-uns s’effondraient le souffle court, sous l’océan de paquets, d’enveloppes, de cartons, de calendriers, d’étrennes, de télégrammes, de lettres, de cartes, de billets, etc. » Je ne suis pas certain que cela ait beaucoup changé…

Et Dino Buzzati avait quand même un regard assez critique sur les fêtes de Noël… Il défendait tout à la fois l’importance de Noël mais dénonçait, d’une certaine manière, ce que la fête état devenue ; Il ne faut pas oublier que ces contes étaient publiés dans les journaux, une forme d’éditorial un peu grinçant parfois, ne serait-ce que pour susciter le débat. « Chaque année, après Noël, on se demande : comment se fait-il qu’hier tout le monde était si bon et qu’aujourd’hui tous soient redevenus des crapules comme avant ? Pourquoi la bonté a-t-elle si peu de longévité ? », écrit-il en 1955. Une autre année, il se réjouit de la fête : « Sans se poser de questions, les gens se laissent entraîner dans cette étrange atmosphère de joie, de repos, de poésie, de bonté, au plus profond de nous-mêmes nous ressentons pourtant de l’étonnement et de l’incrédulité. » Et pourtant, nous explique sa traductrice Delphine Gachet, Buzzati n’aimait pas cette fête : « chez lui, pas de sapin, pas de crèche. » Il en parlait pourtant si bien ! Un dernier conseil ? « Un cadeau devrait être synonyme de surprise. Un cadeau attendu ou même commandé à celui qui va l’offrir ne peut plus être considéré comme un véritable cadeau. On finirait par transformer l’échange traditionnel de cadeaux en un réseau de petits trocs… » Allez, un peu d’imagination, j’ai encore quelques cadeaux à trouver, ce sera donc une surprise !

Contes de Noël et autres textes de Dino Buzzati, présentés par Delphine Gachet, collection Pavillons, éditions Robert Laffont.