République démocratique du Congo
Avec Vingt Décembre, chroniques de l'abolition (chez Dargaud) et Mukanda Tiodora, (chez Ca et là) le monde de la BD nous offre deux albums très différents pour raconter l'abolition de l'esclavage. Présentation dans la chronique BD de Stéphanie Gallet
Comment est-on sorti de l’esclavage ? Comment des milliers d’hommes et de femmes sont-ils passés de la condition d’esclave à celle d’homme et de femme libre ? Même s'il y a une date pour l’abolition … cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Deux albums très différents sortis récemment reviennent sur cette histoire douloureuse.
Vingt décembre, chroniques de l’abolition, est un album grand public qu'on peut lire avec ses ados. Il nous emmène sur l'île de la Réunion, propriété française qui s’appelle encore l'île Bourbon. Nous sommes quelques temps avant l’abolition de l’esclavage en France, le 20 décembre 1948. Plus de 60 000 esclaves seront bientôt libres et nous découvrons l’histoire véridique d’Edmond. Il a 12 ans et il est esclave. Et tenez-vous bien, c’est lui qui a découvert le procédé de fécondation de la vanille qui va faire la richesse de son île. Mais cette découverte, majeure pour l’économie locale, ne va rien changer à son quotidien. Même si Edmond s’entend bien avec son maître, celui-ci ne fera rien pour l’émanciper, rien pour lui apprendre à lire et à écrire. Jusqu’au 20 décembre, il restera sa propriété.
A travers l’histoire d’Edmond, nous découvrons comment l’abolition a été vécue par les différentes couches de la population réunionnaise. Les gros propriétaires terriens qui seront indemnisés de la pertes de leurs esclaves, les petites blanc qui redoutent cette nouvelle concurrence, les esclaves mais aussi les noirs affranchis et les noirs marrons, ces esclaves qui se sont enfuis pour vivre libre dans la foret .
Le 20 décembre 1948, la citoyenneté est donc décrétée pour tous. En lisant cet album, on réalise que l'égalité, la liberté et la fraternité mettront beaucoup plus de temps à advenir. Parallèlement à l’histoire d’Edmond, nous faisons la connaissance avec Roussin et Potémont. Ces deux artistes arpentent l'Île de la Réunion, crayon à la main. Ils seront les pionniers de ce qu’on n’appelle pas encore la bande dessinée. Leurs dessins vont constituer un formidable fond pour documenter la vie de l'Île au moment de l’abolition. Fond que les auteurs de cet album ont pu consulter.
Vingt décembre : chroniques de l’abolition est signé Appolo et Tehen et publié chez Dargaud.
Ce deuxième album, autour des derniers jours de l’esclavage est d’une lecture plus complexe. Mukanda Tiodora est un gros album en noir et blanc. Un noir et blanc magnifique, des dessins trés proche du rendu de la gravure. Des cases parfois prenantes, parfois naïves avec très peu de texte. Et là encore une histoire incroyable.
Cette fois-ci, nous sommes au Brésil en 1866, le courant abolitionniste est en pleine expansion. De nombreux esclaves ont repris leur liberté et vivent dans ce qu'on appelle des Quilombos, sorte de communautés autonomes au cœur de la forêt. Bientôt seront promulguées les premières lois qui progressivemlent mettront fin à l’esclavage. Mais pour l’heure, plusieurs centaines de milliers de personnes sont encore asservis dans ce pays.
Parmi elles, Tiodora Dias da Cunha est l’esclave d’un chanoine de Sao Paulo. Analphabète, elle fait écrire par d’autres une série de lettres à destinations de ses proches et cherche par tous les moyens à réunir l’argent nécessaire pour obtenir son affranchissement. Tiodora veut retourner chez elle en Afrique ou elle est née et où elle a été enlevée. Ses lettres ont été conservées et cet album s’inspire de son histoire. Mukuand c’est la lettre dans la langue africaine que parlait Tiodora. Cet album parle de la violence réservée aux esclaves, de la puissance des mots, de la langue et de l’écriture pour pouvoir sortir de sa condition, de la quête de liberté impressionnante chez une femme qui n’est plus du tout une jeune femme.
Mukanda Tiodora est signé du brésilen Marcelo d’Salete et est publié aux éditions Ca et là
Vingt décembre et Mukanda Tiodora racontent chacun à leur façon la fin d’un monde et le début d’un autre, l’exaltation et la retour au réel. Tous les deux ont le soucis de s’appuyer sur une solide documentation et sont accompagnés de dossiers documentaires pour aller plus loin dans la compréhension de cette époque et de ceux qui l’ont vécu.
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