JavaScript is required

Dieu était en vacances de Julia Wallach et Pauline Guéna

Un article rédigé par Christophe Henning - RCF,  - Modifié le 17 juillet 2023
L'Actualité littéraireDieu était en vacances de Julia Wallach et Pauline Guéna

Dans ce récit poignant, un des derniers témoins d'Auschwitz raconte l'horreur des camps et l'énergie de la vie.

 

Dieu était en vacances, de Julia WallachDieu était en vacances, de Julia Wallach

L’auteur a 96 ans. Elle parle, elle raconte… Elle ravive douloureusement sa mémoire pour dire une fois encore l’horreur des camps, l’inhumanité de la shoah à l’œuvre, elle qui a découvert l’enfer d’Auschwitz-Birkenau à l’âge de 17 ans. Il est temps me direz-vous, même si les récits ne manquent pas. Ce petit livre vient après Si c’est un homme de Primo Levi, après La nuit d’Elie Wiesel, après L’écriture ou la vie de Georges Semprun, après L’espèce humaine de Robert Antelme, et j’en passe, et je n’oublie pas les films et documentaires si nombreux. Et pourtant, pourtant, ne laissons pas partir les derniers témoins sans écouter une fois encore ces paroles rudes, sans pathos, qui sont une page de notre histoire universelle : « J’ai fait deux ans de camp. Vingt-cinq mois et trois jours très exactement, écrit Julia Wallach. J’ai été arrêtée le 23 avril 1943, un peu avant mes dix-huit ans, et libérée le 26 mai 1945. » Elle se souvient, ou plutôt a pu reconstituer l’histoire : Drancy, le wagon à bestiaux : « C’était le convoi 55. Nous étions 1002. En arrivant, j’ai reçu le numéro 46540. En 1945, 115 d’entre nous sont revenus ».

 

Un récit tout simple, qui décrit la situation avec pudeur. Il y a même deux récits en un seul dans le livre de Julia Wallach : avant de décrire Birkenau, elle raconte la vie en famille, dans le Paris des années Trente, quand le père travaille le cuir, quand ses parents ont fui Varsovie pour se réfugier à Paris, ville lumière, et ces jours heureux du côté de Ménilmontant. Et puis « les Allemands sont entrés dans Paris le jour de mes 15 ans », raconte l’adolescente d’hier. Et tout tourne au cauchemar : « Mes souvenirs d’enfance me précipitent tout droit dans la bouche des camps où mes parents ont été assassinés. » Les camps, que l’auteur se décide à aborder, comme si elle refusait encore d’avancer dans l’horreur : « J’en ai vu se faire dérouiller. Moi, j’évitais les coups. Je ne me faisais pas remarquer. J’étais murée à l’intérieur, je me faisais oublier. Je m’oubliais. Mon cerveau s’était arrêté, il ne restait que l’instinct. » Survivre. Et espérer, en dépit du travail, de la faim, des maladies, et de la marche de la mort aussi, quand les nazis battus, entraînent dans leur fuite les rescapés : « Ceux qui n’ont pas connu les marches de la mort ne savent rien. »

Avec cette folle énergie pour survivre et le besoin de témoigner qui s’impose... Et dire aussi qu’il y a des solidarités qui naissent de l’enfer. Ceux qui ont survécus peuvent en témoigner : « C’était un désordre sans nom. On risquait à chaque instant de perdre ceux avec qui on venait de traverser les plus grandes épreuves, de ne jamais revoir ceux qui nous avaient sauvé la vie. C’est ça la guerre, la perte de tout ce à quoi on tient. » Avec l’aide, pour l’écriture, de la romancière et essayiste Pauline Guéna, Julia Wallach nous livre aujourd’hui un témoignage au-delà de la mémoire : « Je ne sais plus, la mémoire me fait défaut. Il y a des jours où tout s’efface. Mais pas la perte. Ni la colère », écrit-elle. Depuis des années, et en dépit de l’âge, elle a rencontré des collégiens, elle a raconté son histoire. Et comment ne partagerait-elle pas ce qu’elle a traversé ? c’était même l’ultime message de son père, en descendant du wagon scellé, sur le quai funeste d’Auschwitz : « Je ne survivrai pas, mais toi, tu es jeune. Vis, rentre à la maison, et raconte ce qu’on nous a fait. » Elle laisse une trace. D’autres se souviendront de ses paroles, de ces vies disparues. Et Julia Wallach est confiante : « Nos enfants sont chargés de ces vies qui n’ont pas été vécues ».

« Dieu était en vacances », de Julia Walach avec Pauline Guéna, Grasset.

Émission L'Actualité littéraire © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'Actualité littéraire
Émission L'Actualité littéraire © RCF
Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.