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Dr Denis Mukwege, prix nobel de la paix : "c'est la force des femmes qui me fait continuer la lutte "

Un article rédigé par Thierry Lyonnet, Amélie Gazeau - RCF, le 17 mai 2022 - Modifié le 10 octobre 2024
VisagesDocteur Denis Mukwégé, "L'Homme qui répare les femmes" Prix Nobel de la Paix

Dans l'attente de la nomination du prix Nobel de la Paix le 11 octobre 2024, RCF plonge dans ses archives pour vous faire redécouvrir l'entretien de Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix en 2018. Chirurgien gynécologue et militant des droits des femmes, il lutte en République Démocratique du Congo (RDC) , son pays natal, contre l'utilisation du viol comme arme de guerre. Depuis 25 ans, des groupes de milices armées violent les populations pour qu'elles fuient et abandonnent leurs territoires riches en minerais et pierres précieuses. Dans cet entretien saisissant d'humilité celui qu'on surnomme "l'homme qui répare les femmes" raconte son quotidien entre chaos et espérance. 

Portrait de Denis Mukwege /  ©F.Mantovani-Gallimard.Portrait de Denis Mukwege / ©F.Mantovani-Gallimard.

Les femmes, piliers de la société

Le docteur Denis Mukwege également appelé "l'homme qui répare les femmes" est mondialement connu depuis qu'il est devenu prix Nobel de la paix en 2018. En 2021, il publie un livre choc "La force des femmes" publié aux éditions Gallimard où il retrace le combat de toute une vie en faveur de l'égalité. En faisant attention à toujours garder une position égalitaire par rapport aux femmes, le médecin constate : "j'ai découvert toutes mes faiblesses et j'ai découvert en soignant ces femmes à quel point ces femmes étaient fortes et même les piliers de notre société, leur façon de se comporter par rapport à l'ensemble et pas à elle-même."

La plupart des femmes que Denis Mukwege a soigné ont été victimes de sévices sexuels d'une violence inouïe, notamment de viols punitifs en public. La République Démocratique du Congo (RDC) d'où il est originaire est tristement connue comme étant "la capitale mondiale du viol". La  force de résilience de ces femmes a profondément marqué le médecin, également pasteur comme son père. "Les femmes trouvent leur résilience dans le fait qu'elles ne vivent pas pour elles-mêmes mais elles vivent pour les autres [...] je crois que les hommes, leur ego l'emporte sur l'ensemble" constate le médecin.  

70 000 survivantes de violences sexuelles : l'hôpital de Panzi, un refuge pour les femmes

Denis Mukwege est le fondateur de l'hôpital de Panzi à Bukavu, proche du lac Kivu en République Démocratique du Congo (RDC). De 1999 à 2022, l'Hôpital a pris en charge plus de 70 000 survivantes de violences et plus de 50 000 patientes avec des pathologies gynécologiques.

Entre 5 et 7 femmes victimes de violences sexuelles sont consultées quotidiennement à l'hôpital de Panzi. Initialement l'hôpital a été créé pour lutter contre la mortalité maternelle. Un jour, une foule arrive en courant portant un femme presque morte : après avoir été violée son appareil génital avait été pulvérisé par une arme à feu. Pensant avoir affaire à l'acte d'un malade mental le médecin est choqué par la découverte qu'il va faire "je n'aurais jamais pu imaginer que ça pouvait être une stratégie de guerre". 

 Fermer les yeux devant ces drames c'est être complice

Le viol comme arme de guerre

Depuis 25 ans, une guerre silencieuse et territoriale fait rage à l'Est de la RDC. Entre 5 et 6 millions d'individus sont morts. Le viol est une stratégie "de terreur" de guerre utilisée par les milices armées avec une réelle organisation et planification. "Chaque groupe armé avait sa façon de faire. [..] Ces viols sont systématiques, ce n'est pas des viols pour un désir sexuel. Un bébé de six mois ou une vieille femme de plus de 90 ans et bien toutes y passent. [...] Le fait de les violer aussi en public et obliger la famille, obliger l'entourage à assister à cette scène macabre c'est une façon de jouer sur la psychologie non seulement de la victime mais aussi de toutes les personnes qui vont voir ces scènes qui sont indescriptibles" explique Denis Mukwege.

L'objectif de ses massacres est de faire fuir les populations pour récupérer leurs terres et exploiter les mines qui sont dessus. Comme des mines de pierres précieuses ou de métaux rares utilisés notamment dans nos appareils électroniques. "Nous avons cette obligation de savoir l'origine des minerais que nous consommons, les bijoux que nous portons, nous avons cette obligation éthique et morale" rappelle le médecin qui invite chacun des auditeurs à être acteur de sa consommation. Un témoignage difficile mais nécessaire à réécouter en intégralité ici. 

C'est la force des femmes qui me fait continuer la lutte car je crois qu'elles sont exceptionnelles

Vidéo du discours du Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018

Cet entretien a été enregistré en 2018 dans l'émission Visages.

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