La Bible est peuplée de nombreux personnages, en grande majorité, des Hommes. Pourtant dans cette société patriarcale, des figures féminines se détachent et font office de véritables symboles. Déterminées à sauver leur peuple et leur foi, elles sont capables de tout et font tantôt preuve d’un esprit maternel, généreux ou guerrier. Focus sur cinq femmes inspirantes de la Bible, avec Nicole Vray, auteure de « Grandes femmes de l’Ancien Testament – L’appel et la foi » (ed. Desclée De Brouwer).
C’est la première femme de la Bible par ordre d’apparition et sûrement l’une des plus célèbres. Décrite dans un récit datant du 8 siècle avant Jésus-Christ, cette figure de la Genèse désormais reconnue comme un mythe, a suscité de nombreuses interprétations et les traductions ne lui ont pas toujours rendu hommage. Ainsi, on a d’abord considéré qu’Eve était sortie de la côte d’Adam. Alors qu’en réalité, dans le texte initial, le mot sumérien utilisé pour désigner ce dont Eve est issue, désigne à la fois la vie ou le côté.
Ce qui pourrait laisser penser qu’Eve n’est apparue qu’après Adam. Or, « la femme est la première créée sémantiquement », se réjouit Nicole Vray. « Parce que femme, ça se dit ‘Ishshah’ et dans Genèse 17, verset 22, Ishshah qui précède iysh, l’être masculin sexué », détaille la doctoresse en lettres. Non seulement la femme est créée en premier du point de vue sémantique, mais en plus on lui attribue le prénom de Eve, Hawwah qui signifie la vie, bien avant Adam.
Présentée comme étant à l’origine du mal en ayant succombé à la tentation du serpent et en mangeant le fruit défendu, Eve n’a pas eu bonne réputation. Pourtant il s’agirait là encore de « confusions sur les traductions notamment sur le serpent », explique Nicole Vray. En effet, au Proche Orient ancien, le serpent était « un être sacré puisqu’il symbolisait l’immortalité », précise-t-elle.
Avançons dans le temps, jusqu’au récit de Sarah, Abraham et Agar, car il est davantage question d’un trio que d’un couple dans cette histoire. En effet, alors que Sarah est âgée et ne peut pas avoir d’enfants, elle prête sa servante Agar à Abraham, comme il était de coutume à l’époque. Un enfant naîtra : Ismaël. Au même moment, par intervention divine, Abraham et Sarah vont tout de même pouvoir avoir un enfant qui s’appellera Isaac.
En mettant au monde Isaac alors qu’elle ne le pouvait plus, Sarah est un symbole fort pour la démographie. En ces temps où la mortalité était énorme, en raison des famines, des épidémies, des guerres, ou des femmes mortes en couches, la démographie est très importante pour faire perdurer un peuple. « le nombre, c’est la force du groupe à l’époque, il faut qu’il y ait du monde et Sarah porte ça », conclut la membre de l’académie des sciences, arts et belles lettres de Caen.
C’est une exception pour l’époque. Debora est la seule femme juge citée dans l’Ancien Testament. A l’époque, le rôle du juge n’est pas tout à fait le même qu’aujourd’hui, il consiste à gouverner, contrôler. Si son nom est peu connue, elle a pourtant un rôle important dans la guerre. « Débora prophétise la victoire de son peuple sur les ennemis de Dieu, les Cananéens » qui sont à l’époque polythéistes alors que les Hébreux eux, commencent à croire à en un Dieu unique. Et dans sa prédiction, ce n’est pas un homme mais une femme qui est décrite comme victorieuse de l’ennemi.
Cette femme, c’est Yaël. Rusée, cette dernière a compris qu’un accueil chaleureux peut attirer le général en déroute dans un piège fatal. Comme la tradition le veut, elle lui sert à boire dans sa tente censée être neutre. Mais « redoutable et guerrière, elle le fait boire et lui enfonce ensuite un pieu dans la tempe », relate Nicole Vray. Un récit sanguinolant qui montre l’importance qu’on eu les deux femmes pour sauver le peuple hébreu.
Soumis à la famine, Naomi et ses trois fils sont contraints de quitter la Judée. Ils partent en direction du royaume de Moab, une région montagneuse de la Jordanie. Là, Naomi marie ses trois fils à des Moabites qui sont pourtant des étrangères polythéistes. Mais une nouvelle famine survient et les trois hommes meurent. Triste et résignée, Naomi veut retrouver sa terre natale et autorise ses trois belles-filles à rester au Moab. Mais seule Ruth refuse et la suit. « C’est vraiment jusqu’au bout parce que c’est quitter sa région natale, aller dans un pays qu’elle ne connaît pas avec une politique différente, une religion différente et une famille qu’elle ne connaît pas », insiste l’écrivaine.
Arrivée à Bethléem, Ruth et sa belle-mère sont si pauvres qu’elles doivent glaner dans les champs. Jusqu’au jour où la Moabite ramasse du blé sur un terrain de Booz, riche propriétaire et membre de la famille de Naomi. Comme le permet la loi du Lévirat, Ruth la veuve se remarie avec Booz, ensemble ils auront un enfant Obed, un ancêtre du Christ. Tout un symbole, « parce que cette femme étrangère qui en déménageant devient l’ancêtre de Jésus, à adopter d’autres coutumes, une autre religion, a été fidèle à sa belle-mère. C’est un bouquet de générosité Ruth », conclut Nicole Vray.
Si les quatre femmes dont nous avons parlé juste avant ont toutes fait l’objet d’œuvres d’art, la Reine de Saba est sans doute celle qui a le plus fait marcher l’imaginaire dans la peinture, la musique ou encore au cinéma. Une notoriété d’autant plus étonnante qu’on ne connait presque rien d’elle. On ignore même si elle est jeune ou vieille car à peine une dizaine de lignes la mentionnent dans l’Ancien Testament. Un manque de connaissances qui s’explique aussi par le fait que cette figure n’a probablement pas existé.
Dans l’Ancien Testament, on l’a décrit lors d’une rencontre avec un autre monarque, le roi Salomon, connu pour sa richesse et sa sagesse. Si la reine de Saba se rend vite compte de la réelle richesse de Salomon, elle veut vérifier sa sagesse et lui pose alors des énigmes dont on ignore les énoncés. Mais cela n’a pas d’importance car d’après Nicole Vray, ce qui ressort de ces quelques lignes, c’est que « les scribes ont voulu montrer une femme curieuse – comme si les hommes ne l’étaient pas - curieuse de voir, de vérifier ce qu’elle a entendu dire ». Et d’ajouter : « c’est le faire-valoir de Salomon, tout ce qu’elle va lui demander va aider à faire monter encore la réputation et le prestige de Salomon ».
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