Citée treize fois dans la Bible, Marie-Madeleine est l’un des personnages emblématiques du christianisme et aussi l’un des plus mystérieux. Source d’inspiration pour les artistes, écrivains et peintres, elle a été maintes fois l’objet de légendes et mythes. Claude Demissy, docteur en théologie, pasteur de l'Église réformée et auteur de "Marie-Madeleine - Au-delà des légendes, la première chrétienne" (éd. Cabédita), décrypte le vrai du faux.
"Chacun des récits symboliques qui l’entourent, correspondent à quelque chose de leur temps, de la vision de la femme de certaines époques, c’est pour ça que ce personnage est propice à de multiples interprétations", pose Claude Demissy. Toutes ces légendes naissent au Moyen Âge. À cette époque, rares sont ceux qui sont lettrés, alors pour simplifier et rendre l’Évangile accessible à tous, "on a fait passer des tas de femmes anonymes dans la Bible pour Marie-Madeleine et donc ça a étoffé son personnage", explique le docteur en théologie. Résultat, les aventures de femmes anonymes se sont confondues avec celles de Marie-Madeleine dans l’imaginaire collectif.
Un terreau propice à l’apparition de nouveaux mythes. Comme en 591, où le pape Grégoire le Grand a officialisé la thèse selon laquelle Marie-Madeleine était une prostituée repentie, en se basant sur le chapitre 7 de l’évangile de saint Luc, dans lequel une femme à la mauvaise réputation est pardonnée par Jésus, sans que l’on sache ce qu’elle a fait exactement et s’il s’agit de Marie-Madeleine.
De cette interprétation, et parce que Grégoire le Grand veut "montrer que le christianisme c’est la religion du pardon, de l’accueil" pour convertir les Lombards qui ont envahi l’Europe, cette image s’est imposée petit à petit. "Ça montre que Dieu accueille tout le monde. Puisqu’il accueille une prostituée, il peut aussi accueillir les Lombards", résume Claude Demissy. Et cette stratégie fonctionne puisque non seulement les Lombards se convertissent, mais en plus cette image de Marie-Madeleine est restée dans les esprits. Jusqu’en 1962, où le concile Vatican II a démenti officiellement cette théorie.
Plus tard, c’est l’idée d’une liaison entre Marie et Jésus qui émerge. "Elle date du XIXe siècle et des mormons qui se disent que Jésus n’a pas pu ne pas être marié. C’était le reflet de leurs préoccupations, parce qu’eux devaient se marier pour avoir des enfants et faire grandir la communauté", explique le pasteur.
Au cours du XIXe siècle, les artistes se sont affranchis de la censure et "les représentations de Marie-Madeleine sont devenues de plus en plus érotiques", relate Claude Demissy. Des œuvres qui ancrent définitivement la légende d’une prostituée repentie. "Cela symbolisait aussi la femme qui se libère de plus en plus, qui n’est plus prisonnière de son corps qu’elle doit cacher et donc il y a une évolution qui n’est plus du tout spirituelle", ajoute-t-il.
De nos jours, et alors que le christianisme est pointé du doigt pour son système patriarcal, Marie-Madeleine a été "instrumentalisée pour en faire le pendant féminin du Christ", constate le théologien. Une façon de donner plus de place aux femmes dans l’Église.
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