Freda, c’est un beau portrait de femmes et un film qui nous fait changer de regard sur Haïti. Il sort de l’archétype dans les médias du pays pauvre et secoué par les crises sociales et politiques. Même si c’est malheureusement une réalité...
Freda c’est au contraire le visage d’un pays plein d’énergie, de couleurs et d’espoir. Celui d’une jeune étudiante en faculté qui croit en l’avenir, et qui milite pour la reconnaissance de la culture haïtienne, pour la défense de la langue créole et pour la beauté de leur couleur de peau.
C’est donc un beau double de la réalisatrice qui s’est battue elle-même pour imposer le créole comme langue de tournage.
Mais c’est aussi un bel hommage à toutes ces femmes qui restent au pays et qui luttent, puisque seuls les hommes ont la possibilité de partir un jour.
La mère Jeannette se débrouille comme elle peut avec son petit magasin qui les fait tous vivre. Le fils veut rejoindre ses amis au Chili, et tout le monde se cotise pour lui. Quant à Esther, la sœur de Freda, elle cherche l’homme qui lui assurera le confort matériel, beaucoup plus que l’amour.
Chaque trajectoire incarne les tensions de la société haïtienne, les frustrations et les compromissions quasi-inévitables quand sévit la violence ou la corruption.
Gessica Geneus a un côté observateur, au plus proche du réel, et un talent de cinéma de rue qu’elle sait très bien filmée. Mais elle a choisi la fiction pour mieux creuser ses personnages et explorer leurs choix.
Elle laisse tous les maux de l’île en arrière-plan. Il y a une très jolie scène où Yeshua, l’amoureux de Freda, regarde la lumière passer à travers le trou d’un mur. C’est le trou laissé par une balle perdue qu’il a reçue dans le dos pendant son sommeil. Et c’est pour lui à la fois une réalité (celle des combats de rue permanents qu’on entend en hors champ) et aussi une espérance de bonheur avec Freda.
Le film commence un 1er novembre, jour de la fête des morts où il est difficile de distinguer le culturel et du cultuel.
La réalisatrice dit avec humour que 70% des Haïtiens sont catholiques ou protestants mais que 100% sont vaudous. Et c’est cette coexistence entre les croyances et les traditions populaires qui génère en réalité beaucoup de malaises.
C’est Néhémie Bastien et Fabiola Remy. Elles sont magnifiques. C’est leur première apparition au cinéma. Comme le scénario se rapprochait beaucoup de leur vécu quotidien, l’enjeu pour elles était de le dépasser pour accéder à une vérité plus universelle.
Pour la mère, jusqu’où aller quand on veut le meilleur pour ses enfants ? Pour Freda, comment concilier la lutte pour son pays avec une vie de couple plus douce, possible juste de l’autre côté de la frontière, en République Dominicaine ! Le film n’apporte pas de réponse définitive mais il ouvre plusieurs chemins possibles.
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