Première grève de femmes, dans les ateliers de soierie en bord de Rhône… C’est le cadre de ce petit roman énergique, vif, qui tisse entre ces femmes du XIXe siècle et celles d’aujourd’hui un lien, un héritage, un passage de relais.
« Si être soi-même consiste à se mêler, à parler fort, à être d’accord, à ne pas être d’accord, à rire, consiste à marcher sans se presser dans la rue au milieu des autres, à marcher dans la rue de nuit, à envahir les cafés, pas en famille, pas discrètement en tête-à-tête, mais en bande, à tenir table comme à tenir tête, à sortir des ateliers, des dortoirs, de soi, être soi-même en sortant de soi, consiste à éprouver ce que nous ignorons, une ferveur ? une joie ? la joie et la peur de trahir, les parents, les patrons ? un déchirement ? une rage ? consiste à reconnaître pareils sentiments, à se reconnaître… »
Mardi, il y avait des manifestations dans les rues, tout comme celle que raconte la romancière, manifestation qui eut lieu en juin 1869 dans les rues de Lyon. Et hier, c’était la journée du droit des femmes, et le roman de Maryline Desbiolles raconte cette première grève de femmes, dans les ateliers de soierie en bord de Rhône… C’est le cadre de ce petit roman énergique, vif, qui tisse entre ces femmes du XIXe siècle et celles d’aujourd’hui un lien, un héritage, un passage de relais.
Et une époque où la vie des femmes ressemblait davantage à une course en avant. La romancière dresse ce portrait de quatre femmes, l’une venant de la campagne italienne, une autre fille mère en quête de ressources. Elles sont « ovalistes », préparant les fils de soie avant le tissage. Elles acceptent de travailler douze heures par jour pour un salaire de 1,40 F, à l’image de Rosalie : « Comme toutes les ovalistes, elle travaille comme un homme qui gagne plus pour la même tâche, mais elle travaille non pas comme une brute, car le moulinage requiert de la concentration et de la délicatesse. » A elle seule, elle dit tout de sa vie : « Je suis une femme qui tombe, je suis une femme qui boite, je suis une femme qui rit, je suis une femme qui pleure, et de se savoir capable de toutes ces choses la réconforte grandement. » Sans oublier Philomène Rozan, véritable meneuse que Maryline Desbiolles sort de l’anonymat. Quand la grève commence « C’est peut-être le vrai commencement, pas la révolution. Le commencement : des ouvrières flânent, bras dessus, bras dessous, ou pas, en bande, ou pas, dans les rires, les chansons, les bavardages de leur jeunesse. »
Un livre engagé, un livre d’histoire
Un peu tout à la fois, un hommage vibrant aux femmes engagées, pour plus de reconnaissance, de liberté, d’égalité, et cela ne date donc pas d’hier. La plume de Maryline Desbiolles est vive, précise, elle passe le relais d’une histoire séculaire qui parle encore pour aujourd’hui. On y retrouve même le calendrier de cette semaine : grève mardi, journée de la femme mercredi, chronique jeudi et pour vendredi 10 mars, eh bien je vous invite à participer à l’opération « un quart d’heure de lecture » organisée par le Centre national du livre.
Petits et grands, à l’école ou au boulot, chez soi ou en voyage, s’arrêter, laisser son téléphone, prendre un livre, une BD, un recueil de poèmes, un roman, un manga et passer un quart d’heure à lire… Et comme il n’y a pas de hasard, je vous lis encore un extrait du livre de Maryline Desbiolles qui parle de livre : « Ceux qui n’ont pas le temps, sont heureux quand ils tombent sur le bon morceau. Ils le recommencent cent fois sans se lasser, et chaque fois, quelque chose qu’ils n’avaient pas remarqué leur fait venir une nouvelle idée. » il vous reste à choisir quel livre vous allez prendre pour votre quart d’heure de lecture demain… profitez-en !
Il n’y aura pas de sang versé, de Maryline Desbiolles est publié par Sabine Wespieser.
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